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La Marseillaise des requins

Couté, Gaston


Texte de Gaston Couté (1911). Sur l’air « La Marseillaise » (1792).


Le conseil des Ministres décide que « nous irons à Fez ! »
Les Journaux.

Allez ! petits soldats de France
Le jour des poir’s est arrivé.
Pour servir la Haute Finance
Allez vous en là-bas crever ! (bis)
Tandis qu’au cœur de la fournaise
Vous tomb’rez, une balle au front,
De nos combin’s nous causerons
En fredonnant la « Marseillaise » !
 
Refrain
Aux Armes, les enfants ! formez vos bataillons,
Marchez ! marchez ! nous récolt’rons
Dans le sang, des sillons !
 
Allez ! guerriers pleins de courage,
Petits fils de la liberté,
Allez réduire en esclavage
De pauvr’s Arbis épouvantés ! (bis)
Dans leurs douars, que le canon tonne
Plus fort que le tonnerr’ d’Allah :
Nous alignions pendant c’temps-là,
Des chiffres en longues colonnes !
 
Allez-y ! qu’ les cadavr’s s’entassent
Par centaines et par milliers,
Que la plaine où les balles passent
N’soit plus qu’un immense charnier ! (bis)
D’vant l’récit de tout’s ces misères,
En ouvrant le journal de d’main,
Nous song’rons, nous frottant les mains :
« Ça n’biche pas trop mal, les affaires  ! »
 
Allez ! si les autres voraces,
Si tous les requins d’Outre-Rhin,
Font en c’moment un’ sal’ grimace
Ça n’nous défris’ pas l’moindre brin (bis)
Un’ nouvell’ guerre ? on s’en fout, puisque
C’est vous qui marcheriez encor
Pour défendre nos coffres-forts
Alors ! franch’ment, NOUS qu’est-c’qu’on risque
 
Nous entrerons dedans la place
Après que vous n’y serez plus :
Nous y trouverons vos carcasses
Près des carcasses des vaincus ! (bis)
Et sur les tombes toutes proches,
Se r’joignant à deux pieds dans l’sol
Avec l’or du meurtre et du vol
Nous emplirons froid’ment nos poches !

« Chanson satirique d’actualité » parue dans La Guerre sociale (1906-1915) (17-23 mai 1911).

« En mars 1911, le sultan, menacé par une révolte, demande à la France de lui prêter main-forte. En mai, les troupes françaises occupent Rabat, Fès et Meknès. L’Allemagne, inquiète pour ses prétentions sur le Maroc, considère cette occupation comme une violation des accords d’Algésiras et décide de réagir. » In « Coup d’Agadir » sur Wikipédia (vu le 4 octobre 2022). Un protectorat (de 1912 à 1956) sur le Maroc s’ensuit.