Je ne crois pas aux dieux des foules ; mais je croisQue par-delà les temps, les hommes et les lois,Il est une justice éternelle, immuable,Qui sera pour les grands quelque jour redoutable ;Et qui, nous démasquant leurs criminels secrets,Viendra leur demander compte de leurs forfaits.Pour que l’arrêt vengeur du destin s’accomplisseQuelle forme prendra cette haute justice ?— Nul ne peut le prévoir ; mais s’il faut qu’elle soitTerrible et dure, ô grands vous n’avez pas le droitDe l’accuser, Si pour exprimer sa colèreElle prend des accents de la voix populaire,Et si c’est un remous du peuple révoltéQui vous porte sa fière inflexibilité ;C’est qu’elle aura voulu, dans sa ferme sagesse,Que la main du martyr devint la main qui blesse ;C’est qu’elle aura pensé que le droit de punirN’appartenait vraiment qu’à la main du martyr.— Oui, ce jour doit venir — ô puissants de ce monde,Entendez-vous déjà monter sa voix qui gronde ?Écoutez sa rumeur, et tremblez en songeantQue nul jamais n’a pu refouler l’Océan…
Juin 1916