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Amour libre

Paillette, Paul

Texte de Paul Paillette (date ?).

L’amour libre c’est l’harmonie,
L’incessante communion,
La saine morale bénie
Par la Vie en érection.
 
En trahissant autrui, la femme
Qui nous cède est une vertu :
Beauté, bonté… toute la gamme,
Le langage en est rebattu ;
Mais qu’un beau jour sa fantaisie
Près d’un autre aille minauder,
Ah ! bordel de Dieu ! poésie
Ces doux mots vont te succéder :
Vache ! Putain ! Salope ! Garce !
Sale goton ! Chameau ! Fumier !…
Et c’est toujours la même farce
Du premier amour au dernier.
 
Allons, voyons, c’est par trop bête !
Comprenons une bonne fois
Que l’amour est toujours en quête
Et se rit de toutes nos lois ;
Que fantaisiste est sa nature,
Qu’il vit dans la variété
Et, malgré la Sainte Écriture,
Se meurt dans l’uniformité.
 
Cessons d’avoir martel en tête,
N’employons plus ce mot : Putain,
Ni ces mots soudés : Femme honnête
— Être anormal au sexe éteint. —
 
L’amour libre c’est l’harmonie,
L’incessante communion,
La saine morale bénie
Par la Vie en érection.
 
Un académicien banquiste,
Fils d’un joyeux irrégulier,
Prétend que chez nous il existe
Femmes « de rue » et « de foyer ».
Les Vestales qui sont « de temple »,
Les Hétaïres « de ruisseau »,
Les Matrones au derrière ample
Et que nous dirons « de fourneau ».
J’ai goûté de chaque modèle
Avec un palais d’amateur
Et tiens que celles « de chapelle »
N’en sont pas moins à la hauteur.
Toutes sont lascives, aimantes :
De « temple » comme « de salon »
On voit les vertus chancelantes
Devant l’Amour sans pantalon ;
Ainsi le veut bonne Nature,
Notre mère qui, sans façon,
Fit un cœur à sa Créature
Non pas pour mesurer du son.
 
L’amour libre c’est l’harmonie,
L’incessantte communion,
La saine morale bénie
Par la Vie en érection.
 
L’honnête femme, en sa demeure,
Prisonnière du Préjugé,
Vit de son lard, ou souffre et pleure
En buvant l’amour mitigé.
Moi j’aime celle qui se donne
à qui lui plaît, sans hésiter ;
Putain ! dites-vous ? c’est la bonne !
C’est Elle que je veux chanter.
Mon sexe, qui le sait comprendre
N’obéit qu’à son regard pur :
La « Vertu » rend mon désir tendre
Et pour la « Putain » je l’ai dur !
 
L’amour libre c’est l’harmonie,
L’incessante communion,
La saine morale bénie
Par la Vie en érection.

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