Je hais l’homme soumis qui s’incline et qui prie,La brute qui massacre au nom d’une patrie ;Je hais la foule bête, cerveaux dont la penséeÀ nos songes sublimes jamais ne s’est haussée.Nos songes pour ces êtres qui sont des riens stupides,Jamais sur leur visage ne creuseront ces rides,Dévoilant le génie des fronts qu’elles flétrissent.Leur mot est jouissons. Eh bien, mais qu’ils jouissent !Qu’ils mangent goulûment, oublient dans le tonneauL’obscure intelligence de leur étroit cerveau !Mais nous, libres penseurs, du commun détachés,Sur le gouffre Inconnu nous resterons penchés.Nous sonderons l’abîme, cachant de la natureLes rouages secrets de sa belle structure ;Puis nous voudrons connaître, nous, hommes audacieux,L’endroit sombre où se cachent les Satana et les dieux.Je sais qu’on nous dénomme « féroces anarchistes ».Qu’on nous flétrit du nom de « bêtes utopistes »,Que nous importe à nousQue quelques vils esclaves insultent nos idées !Devant un supérieur, maître do leurs pensées,Ils ploieront les genoux.Au nom d’une Patrie, ils iront égorgerDes hommes qui, comme eux, pour vivre ont à lutter.Aveugles sont les yeuxDe le foule abrutie qui se laisse menerPar de prêtres infâmes qui les envoient tuerEn leur montrant les cieux !Un régime meilleur, n’est encore qu’un mythePour le front éclairé d’un homme qui médite.« Renversons les frontières,Dit-il, et du bien-être rêvé, nous approchons nos pas »,Mais la foule, aux mains jointes, sourde, ne l’entend pas,Et gueule des prières, N’est-il rien de plus doux, ô frères d’anarchie,Que de renier le monde et de vivre sa vie,Et puis d’être insulté,D’être traité en lâche et presqu’en malfaiteur,Par des gens asservis, par un peuple menteur,Par un peuple sans liberté !
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L’Anarchiste et la foule
Lanoff, Robert
Texte (monologue) de Robert Lanoff (1913).
Parution annoncée dans L’Anarchie, nº 422 (15 mai 1913)
Paru aussi — sous le nom d’auteur de Sans-Dogme — dans : L’Anarchie (1905-1914), nº 428 (26 juin 1913)