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Le Vieux misanthrope

Fournier, Henri


Texte d’Henri Fournier (≤1902). Sur l’air « Paillasse mon ami » (1839) de Pierre-Jean de Béranger.


1
Mes bons amis, quoique bien vieux,
(Suivez ma rhétorique)
Je possède bons pieds, bons yeux
Et l’humeur satirique
J’ai vu des bourgeois,
Des filous, des rois
J’ai vu la république.
J’ai suivi leurs lois…
Comme au coin d’un bois.
Tout ça n’vaut pas un’chique ! (bis)
 
2
J’ai vu des femmes, pour cent sous,
Nous exhiber leurs charmes.
J’ai vu de misérables fous
En rire jusqu’aux larmes,
Sans avoir compris
Que ce qu’ils ont pris
Pour de vice sincère
N’était qu’un vernis
Panné par mépris
Au nez de la misère (bis)
 
3
J’ai vue les valets du pouvoir,
Le front dans la poussière
À genoux devant l’encensoir,
Et la langue au derrière
De qui le voulait,
Député, préfet,
Sénateur ou ministre,
Mais qui payait bien,
On n’a pas pour rien
Les louanges des cuistres. (bis)
 
4
J’ai vu des curés, sacrebleu,
Dedans la sacristie,
Déshabiller leur cordon bleu,
Et chahuter l’hostie.
Mais çà, je m’en fous.
Amis, entre-nous,
Ils sont ce que nous sommes.
Et je dis tout bas,
Ne les blanchis pas,
Les curés sont des hommes !… (bis)
 
5
J’ai vu des patrons plein d’ardeur…
(Pour le travail des autres)
Parler morale avec chaleur
Et puis, les bon apôtres,
Comptant, empilant,
Et l’or et l’argent.
Sans honte inopportune,
S’sauver sans payer
le bon ouvrier
Qui leur fit leur fortune ! (bis)
 
6
J’ai vu des gens mourir de faim,
Et d’autres de richesse.
Et si beaucoup n’ont pas de pain,
D’autres ont trop de graisse.
J’ai vu des parents
Tuer leurs enfants ;
J’ai vu des cœurs sans flamme,
J’ai vu des menteurs,
Des hommes sans cœurs,
Et des femmes sans âme. (bis)
 
7
J’ai vu, dans ses débordements,
La classe dirigeante,
Se vautrer sans écœurements
Dans la fange sanglante.
Soldats fusilleurs,
Ministres voleurs.
Enfin tout la clique
De prêtres cafards,
Magistrats mouchards
Guidant la politique. (bis)
 
8
J’ai vu, dis-je, plus d’mal que d’bien
Sur la triste planète.
Les uns ont tout, les autres rien,
Bien haut je le répète,
Je crois qu’il faudrait
Un coup de balai
Mais notre espèce est lâche.
Parmi tant d’coquins,
Poltrons ou faquins,
Qui donc prendra la tâche ? (bis)
Cris d’en bas : recueil de poésies et chansons par Henri Fournier (nº 1, aout 1902)

Paru dans Cris d’en bas : recueil de poésies et de chansons par Henri Fournier, nº 1 (aout 1902). Suppl. à L’Union des travailleurs (Charleroi, Pennsylvanie, 1901-1916).