1Mes bons amis, quoique bien vieux,(Suivez ma rhétorique)Je possède bons pieds, bons yeuxEt l’humeur satiriqueJ’ai vu des bourgeois,Des filous, des roisJ’ai vu la république.J’ai suivi leurs lois…Comme au coin d’un bois.Tout ça n’vaut pas un’chique ! (bis)2J’ai vu des femmes, pour cent sous,Nous exhiber leurs charmes.J’ai vu de misérables fousEn rire jusqu’aux larmes,Sans avoir comprisQue ce qu’ils ont prisPour de vice sincèreN’était qu’un vernisPanné par méprisAu nez de la misère (bis)3J’ai vue les valets du pouvoir,Le front dans la poussièreÀ genoux devant l’encensoir,Et la langue au derrièreDe qui le voulait,Député, préfet,Sénateur ou ministre,Mais qui payait bien,On n’a pas pour rienLes louanges des cuistres. (bis)4J’ai vu des curés, sacrebleu,Dedans la sacristie,Déshabiller leur cordon bleu,Et chahuter l’hostie.Mais çà, je m’en fous.Amis, entre-nous,Ils sont ce que nous sommes.Et je dis tout bas,Ne les blanchis pas,Les curés sont des hommes !… (bis)5J’ai vu des patrons plein d’ardeur…(Pour le travail des autres)Parler morale avec chaleurEt puis, les bon apôtres,Comptant, empilant,Et l’or et l’argent.Sans honte inopportune,S’sauver sans payerle bon ouvrierQui leur fit leur fortune ! (bis)6J’ai vu des gens mourir de faim,Et d’autres de richesse.Et si beaucoup n’ont pas de pain,D’autres ont trop de graisse.J’ai vu des parentsTuer leurs enfants ;J’ai vu des cœurs sans flamme,J’ai vu des menteurs,Des hommes sans cœurs,Et des femmes sans âme. (bis)7J’ai vu, dans ses débordements,La classe dirigeante,Se vautrer sans écœurementsDans la fange sanglante.Soldats fusilleurs,Ministres voleurs.Enfin tout la cliqueDe prêtres cafards,Magistrats mouchardsGuidant la politique. (bis)8J’ai vu, dis-je, plus d’mal que d’bienSur la triste planète.Les uns ont tout, les autres rien,Bien haut je le répète,Je crois qu’il faudraitUn coup de balaiMais notre espèce est lâche.Parmi tant d’coquins,Poltrons ou faquins,Qui donc prendra la tâche ? (bis)

Cris d’en bas : recueil de poésies et chansons par Henri Fournier (nº 1, aout 1902)