À mon ami Cazin
« Voici venir l’hiver, tueur des pauvres gens ! »
Jean Richepin
À travers Ia vitre, le froidMe fixe, ironique et livide.Je le regarde, avec effroi,Se moquer de mon âtre vide.« Te voilà déjà revenu,Avec la face de Bazile,Froid noir, bourreau de l’enfant nu,Du sans-croûte et du sans asile !Tu rentres glacer mon taudis,De givre obstruant ma lucarne !Je l’exècre et je tu maudis,Carne !Les riches, seuls, sont tes amis,Froid aux justices inégales ;Froid de plume, doux aux fourmis,Froid de neige, dur aux cigales.Brigand ! Tu reviens pour tuerLes sans-travail et les sans-hardes ;Pour faire se prostituerLes ouvrières des mansardes !Si je pouvais te rénvoyerÀ coups de trique ou de cravache,Tu déserterais mon foyer,Vache !Va, crapule, fais les cinq moisEt mire-toi bien dans ta glace !Fondant la neige sur les toits,Un jour, Avril prendra ta place.Messager des cœurs de vingt ans,Te poussant par les deux épaules,Un beau matin, le gai PrintempsT’enverra rejoindre les pôles !Croque-mort bleu-rose, il viendraTe prendre, dans son vert carosse,Et nul ne te regrettera,Rosse !
6 novembre 1887