Dans le matin clair, où meurt sa chanson,Le bon paysan, qui jette à mains pleinesLa bonne semence aux sillons des plainesA l’espoir de faire un jour la moisson…Mais les corbeaux, dont le vol brunPasse en l’air comme une tempêteEn faisant du soir sur sa tête,Les corbeaux mangeront son grain.Après avoir mis ses sous dans son bas,Le bon paysan ferme son armoireLorsqu’il s’en revient de vendre à la foireLe veau que sa vache un jour a mis bas.Mais les corbeaux, dont jamais rienNe peut repaître l’avarice,— Gens de loi et gens de justice, —Les corbeaux voleront son bien.Tout en lui chantant « dodo, l’enfant do »Le bon paysan demande à son mioche :« Petiot, prendras-tu ma hotte et ma piocheQuan.d le poids des ans courbera mon dos ? »Mais les corbeaux cruels, — qui sontLes puissants et les gens de guerre, —Aux pauvres vieux ne songent guère :Les corbeaux tueront son garçon.Parmi la splendeur des soleils couchants,Le bon paysan dont la tâche est faitePense avoir la fin d’une bonne bêteQui meurt de vieillesse au milieu des champs.Mais les corbeaux viendront encor,— Qui sont les marchands de prière, —Et du défunt, clos dans sa bière,Les corbeaux se feront de l’or !…À la fin, pourtant, l’heure sonneraOu, lassé de voir les corbeaux qui voltentEn prenant ses gars, ses sous, ses récoltes,Le bon paysan se révoltera…Et dam ! à grands coups de sabots,À coups de faux, à coups de pioches,Pour ses blés, ses biens et ses miochesIl abattra tous les corbeaux !…
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La Chanson des corbeaux
Couté, Gaston
Texte de Gaston Couté (1899). Puis musique de Michel Segarra (2011).
Paru dans Le Journal du peuple, nº 56 (3 avril 1899).