Date sacrée ! un monde ici commence.Verrier puissant, la RévolutionGonflant d’un souffle une bouteille immenseDonne une forme au peuple en fusion.Oui ! c’est la forme et logique et splendide !Mais la misère y cherche à boire en vain ;La République est la bouteille vide : / Veillons sur elle, en attendant le vin. (bis)Emplissons-la, dit la clique en soutane,De poison lent qui tient l’homme hébétéLe grand troupeau sur qui l’Église planeCuve ivre-mort son bon dieu frelaté.À nous l’École !… au progrès trop rapideLe Syllabus vient crier : Halte-là !La République est la bouteille vide : / Emplissons-la du fiel de Loyola. (bis)Emplissons-la, dit Gobseck, de nos banques,De la sueur qu’on tire des gros sous,Car comme Odry dit dans les Saltinbanques,À qui la caisse ? — Elle doit être à nous !Nous pourléchons nos crocs de meute avide,Quand l’Hallali sonne sur l’ouvrier.La République est la bouteille vide : / Emplissons-la de jus pour l’usurier. (bis)Emplissons-la, nous dit Monsieur Prudhomme,D’ordre moral, et nous verrons après ;La Providence a ses desseins sur l’homme,Sans les comprendre adorons ses décrets.L’autorité nous couvrant d’une égide,Montrons-nous forts par le respect des lois.La République est la bouteille vide : / Emplissons-la du coco des Bourgeois. (bis)Emplissons-la, disent les casse-têtes,Des détritus du héros de Sedan.Un coup d’État pourrait payer nos dettes ;Vienne un Troppmann et qu’il soit président !Nous savons tous comme un subsideDes généraux ont fait des assassins.La République est la bouteille vide : / Emplissons-la du schnick des argousins. (bis)Veillons sur elle et déjouons ces traîtres !Tout prophétise un avenir meilleur ;Qu’alors le globe engloutissant ses maîtresL’humanité ne soit qu’un travailleur.Apaise alors, apaise, ô race humaine,La grande soif d’amour et d’unité !La République est la bouteille pleine. / Coule pour tous, vin de l’Égalité (bis)
New York, 1875