À mon ami Désiré Magnin
Ornant largement la muraille,Vingt drapeaux rouges assemblésCachent les trous de la mitrailleDont les vaincus furent criblés.Bien plus belle que la sculptureDes tombes que bâtit l’Orgueil,L’herbe couvre la sépultureDes morts enterrés sans cercueil.Ce gazon que le soleil dore,Quand Mai sort des bois réveillés ;Ce mur que l’Histoire décore,Qui saigne encore,C’est le tombeau des fusillés. (bis)Autour de ce tombeau sans bronze.Le prolétaire, au nez des lois,Des héros de soixante et onzeÉcoute chanter les exploite,Est-ce la tempête ou la houleMontant à l’assaut d’un écueil ?…C’est la grande voix de la fouleConsolant les morts sans cercueil !Écoute, bon bourgeois qui tremble :Pleurant ceux qu’on croit oubliés,Le peuple, tout entier, s’assembleEt vient ensemblePrès du tombeau des fusillés. (bis)Loups de la Semaine sanglante.Sachez-le, l’agneau se souvient.Du peuple la justice est lente ;Elle est lente, mais elle vient !Le fils fera comme le père ;La vengeance vous guette au seuil :Craignez de voir sortir de terreLes morts enterrés sans cercueil !Tremblez ! les lions qu’on courrouceMordent, quand ils sont réveillés !Fleur rouge éclose dans la mousse,L’Avenir pousseSur le tombes u des fusillés ! (bis)
30 mai 1887