À mon ami J. B. Dumay
L’aube frileuse est apparue ;La lune s’éteint dans les cieux.Regardez passer dans la rue,Les travailleurs silencieux,Comme un grand fleuve heurtant l’arche,Des quatre coins du carrefour,Avec un bruit d armée en marche,Ils vont gagner le pain du jour.Est-ce l’orage ?… Est-ce la houle ?…Les fainéants et les rentiers,Écoutez la rumeur qui roule Sur cette foule…C’est la chanson des ouvriers ! (bis)La machine, aux doux froufrous d’ailes,Tourne, souple comme un roseau.L’enclume, pleine d’étincelles,Sonne, comme un chant clair d’oiseau.Auprès de l’usine qui ronfle,De pourpre ensanglantant le mur,La forge, où le soufflet se gonfle,Fait un tableau de clair-obscur.Dans le bâtiment où font rageLes marteaux avec les métiers,Entendez-vous ce beau ramage,Ce beau tapage ?…C’est la chanson des ouvriers ! (bis)Souvent, par suite du chômage,L’usine a des airs désolés.La fabrique est comme une cageDont les oiseaux sont envolés.Luttant bravement pour la grève,(Et c’est l’histoire d’aujourd’hui !)Dans un coin, comme un chien qui crève,Le travailleur reste chez lui.La mère vend son dernier châle ;Le père n’a plus de souliersComme un linge, la fille est pâle,Le petit râle…C’est la chanson des ouvriers ! (bis)
1er février 1887