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La Chanson des ouvriers

Jouy, Jules


Texte de Jules Jouy (1887). Sur l’air « La Chanson des peupliers » (1883) de Camille Soubise (1833-1901), musique de Frédéric Doria (1841-1900). Aussi une musique originale en 1897 de Laurent Halet (1863-1932)


À mon ami J. B. Dumay

L’aube frileuse est apparue ;
La lune s’éteint dans les cieux.
Regardez passer dans la rue,
Les travailleurs silencieux,
Comme un grand fleuve heurtant l’arche,
Des quatre coins du carrefour,
Avec un bruit d armée en marche,
Ils vont gagner le pain du jour.
Est-ce l’orage ?… Est-ce la houle ?…
Les fainéants et les rentiers,
Écoutez la rumeur qui roule Sur cette foule…
C’est la chanson des ouvriers ! (bis)
 
La machine, aux doux froufrous d’ailes,
Tourne, souple comme un roseau.
L’enclume, pleine d’étincelles,
Sonne, comme un chant clair d’oiseau.
Auprès de l’usine qui ronfle,
De pourpre ensanglantant le mur,
La forge, où le soufflet se gonfle,
Fait un tableau de clair-obscur.
Dans le bâtiment où font rage
Les marteaux avec les métiers,
Entendez-vous ce beau ramage,
Ce beau tapage ?…
C’est la chanson des ouvriers ! (bis)
 
Souvent, par suite du chômage,
L’usine a des airs désolés.
La fabrique est comme une cage
Dont les oiseaux sont envolés.
Luttant bravement pour la grève,
(Et c’est l’histoire d’aujourd’hui !)
Dans un coin, comme un chien qui crève,
Le travailleur reste chez lui.
La mère vend son dernier châle ;
Le père n’a plus de souliers
Comme un linge, la fille est pâle,
Le petit râle…
C’est la chanson des ouvriers ! (bis)

1er février 1887


Paru dans : Jouy, Jules. Les Chansons de l’année [1887] (Bourbier et Lamoureux, 1888, p. 68-69)

Il s’agit aussi du 1er titre de la série de chansons de Jules Jouy reprises dans le le journal Le Père Peinard à l’occasion du décès du chansonnier. Émile Pouget publie d’abord cet avertissement dans son journal (2e série, nº 25 du 11 au 18 mai 1897)) :

Un des plus galbeux chansonniers de ces vingt dernières années, Jules Jouy, un prolo, vient de casser sa pipe.

Déjà, depuis deux ans, il était mort intellectuellement : la folie des grandeurs, engendrée par le sirottage des purées trop bleues, avait tuée sa verve. Il n’en reste pas moins un des gas qui ont donné une riche note de révolte.

Aussi, comme ses chansons sont trop peu connues, le Père Peinard se fera un sacré plaisir d’en mettre quelques-unes sous le nez des bons bougres. Je commence cette série avec La Chanson des ouvriers — air : « La Chanson des peupliers »

Et effectivement, plusieurs textes de Jouy sont réédités dans ce périodique [1].

Paru aussi dans : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 83-84).


[1Voir la notice correspondante.