Riez, les tout petits, agitez vos mains frêlesVers la Mère à l’œil clair qui murmure : bonjour ;Son baiser doux et fort comme un battement d’ailesVous dispense à la fois la fraîcheur et l’amour.Laisses-la vous presser contre sa gorge saine,Son effort mesuré repousse toute gèneDu fruit pur et sacré qu’engendrèrent ses flancs :Elle vous conduira dans la plaine fleurieOù, belle sous le ciel, s’épanouit la vieEt vous serez heureux lorsque vous serez grands.Mais la terre n’est pas à la nature, elle estSous le large talon d’un maitre satisfait.Droit devant le soleil, le méchant fait de l’ombreElle s’étend au loin, sa silhouette sombre.Et les fleurs et les fruits, sur un sol détesté ;Ignorent les douceurs de la maternité…Pleurez les tout petits, dans vos regards morosesQue frappent les brouillards épaissis du matin,Portez le lourd regret de la splendeur des chosesDont un ogre a privé votre part de destin.Pleurez, car il est là. Toi pleure aussi ; la Mère :Le voleur de soleil a semé, la misèreOù devaient s’élever des épis triomphants,Et s’il semble parfois avoir quelque tendressePour les enfants rêveurs qu’une mère caresse,C,est qu’il doit les manger sitôt qu’ils seront grands.
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Les Loups
Tachon, Paul
Texte de Paul Tachon (≤1894).
Paru aussi dans : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 7, suppl. litt. au nº 24 (24 févr. 1894)