Alors, crinière au vent, sans entrave ni maître,L’œil en feu, farouche, indompté,Il errait au désert sous des cieux de salpêtre,Libre au sein de l’immensité…Et les monts de granit et les plaines de sableÀ ses bonds servaient de tremplin ;Et, comme le clavier d’un orgue formidable,Les rauques échos du ravinDe ses rugissements répercutaient l’orage !…Depuis, sous le fouet du dompteur,Docile, il assouplit son allure sauvage,Ses fiers instincts, sa mâle ardeur.Enfin il s’est fait chien ; il rampe à tout caprice.Cependant, las de tels affronts,Un jour il se redresse et son poil se hérisse.— Le joug ne sied point aux lions. —Et bientôt sous ses dents il tort, brise, tritureEt dompteur et verge de fer.Joie amère !… une cage, oppressive ceinture,Le sépare encore du désert !…Parfois aussi le peuple, à bout de patience,Rugit un cri de délivrance.Mais, — vainqueur politique, — esclave social, —Il retombe énervé, loin du vaste idéal,Dans sa cage d’abus, de vices, d’ignorance !Sous les chaînes du Capital…
Le Lion
Déjacque, Joseph
Texte de Joseph Déjacque (1857).
Paru dans Les Lazaréennes (1857).
Paru aussi dans le « Supplément littéraire » aux Temps nouveaux. — Paris : 1895-1914. — Vol. 1, nº 47, p. 370, suppl. au nº 48 (28 mars 1896).