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Le Départ des bleus

Marsolleau, Louis


Texte de Louis Marsolleau. Sur l’air « Les Gueux [1] » (1812) de Pierre-Jean de Béranger (1780-1857).


Les boulevards et les rues
S’emplissent de hurlements,
Ce sont les jeunes recrues
Qui partent aux régiments.
 
Les bleus, les bleus,
Les bleus ont du creux.
Ils chantent, heureux !
Chantez ! les bleus !
 
Dans le train qui roule et grogne,
Ils chantent, le litre en main,
Leur bonne chanson d’ivrogne ;
Ils déchanteront demain.
 
Les bleus, les bleus,
Au bruit des essieux,
Vont sous d’autres cieux
Roulez ! les bleus !
 
Demain, sous quelque poterne
De lointaine garnison,
Ils entreront sans lanterne
Dans la nuit de la prison.
 
Les bleus, les bleus,
Peuvent dire adieu
À l’air du bon Dieu !
Bouclés ! les bleus !
 
Dans la cour des quartiers mornes,
Sac au dos, les reins brisés,
Rigides comme des bornes.
Et comme elles, méprisés.
 
Les bleus, les bleus,
Peineront, bourbeux,
Pareils à des bœufs.
Membrez ! les bleus !
 
Deux ans durant, têtes basses,
Sous le joug pliant le col,
Ainsi que des bêtes lasses,
Ils tireront leur licol.
 
Les bleus, les bleus,
Jadis valeureux
Deviendront peureux…
Tremblez I les bleus !
 
Ou peut-être qu’en Afrique
Un sergent les enverra
Finir leurs jours sous la trique
Aux confins du Sahara.
 
Les bleus, les bleus,
Ont des trous pour eux
Dans le sable ocreux.
Crevez ! les bleus !

Paru aussi in : Les Chants du peuple. Série nouvelle ; nº 1. — Paris : Temps nouveaux, [ca 1902]. — N.p.

Paru aussi in : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 9e année, nº 1 (8-15 novembre 1902).

Paru aussi in : l’Almanach illustré de la chanson du peuple pour 1907. — Paris : La Publication sociale, 1906 (p. 28)


[1Air aussi utilisé par Gaston Couté pour « Les Loups », en 1910.