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Les Loups

Couté, Gaston


Texte de Gaston Couté (1910). Sur l’air « Les Gueux [1] » de Béranger (1780-1857).


« La classe bourgeoise nous traquant comme des fauves va nous obliger à nous défendre comme des loups. »
(Delpech, après le verdict de Rouen.)

Parce qu’on n’veut plus être
Des moutons humbles et doux
Qui s’laiss’nt tondre par leur maître,
On nous trait’ comme des loups…
 
Refrain
Les loups, les loups !
Allons, tous debout
Et défendons-nous
Comme des loups !
 
Pris d’une rage incongrue,
Briand, le Grand Louvetier
Vient d’ordonner la battue :
On nous traque sans pitié !…
 
Refrain
Les loups, les loups !
Allons, tous debout
Et défendons-nous
Comme des loups !
 
Notre sang rougit la terre :
Liabeuf, Aernoult, Duléry
Et bien d’autres prolétaires,
Dessous leurs coups ont péri !
 
Des ch’minots qui se soul’vèrent
Dans la grèv’ de l’autre mois,
Et nos copains de la « Guerre »
Sont dans les griff’s des bourgeois !
 
L’horreur de tous ces supplices
Ne leur suffit pas encor :
Voilà que les chiens d’justice
Condamnent Durand à mort
 
Leur meut’ s’acharne à nos trousses
Aboyant sur le chemin,
De rag’ de honte et de frousse…
Qui de nous tomb’ra demain ?…
 
Refrain
Les loups, les loups !
Les loups, malgré tout,
Ne tomb’ront pas tous
Vivent les loups !
 
Si parmi la meute sombre
Qui vacarme derrièr’ nous,
Un grand loup sortait de l’ombre
Pour venger les autres loups ?…
 
Refrain
Les loups, les loups !
Les loups sont à bout :
Craignez leur courroux,
Oui, gare aux loups.

« Chanson satirique d’actualité » parue dans La Guerre sociale (1906-1915), 4e année, nº 51 (30 novembre au 6 décembre 1910).

Le verdict de Rouen (condamnation à mort, le 25 novembre 1910), est celui du procès de Jules Durand (1880-1926), militant syndicaliste. L’erreur judiciaire dont il fut victime devient l’ »affaire Dreyfus du pauvre ».
Aristide Briand (1862-1932), président du conseil des ministres.
Jean-Jacques Liabeauf (1886-1910), guillotiné.
Albert Aernoult (1886-1909), mort de sévices au camp de discipline du pénitencier de Djenan El Dar (sud algérien).
Duléry, soldat exécuté en 1910 dans le camp de Biribi (bagne militaire) pour avoir blessé un garde qui le maltraitait.


[1Air aussi utilisé par Louis Marsolleau pour « Le Départ des bleus » vers 1900.