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Amour sans vitriol

Paillette, Paul


Texte de Paul Paillette (≤1890). Sur l’air traditionnel « La Légende de Saint Nicolas ».


L’Amour dit zut à la Vertu
Et se régale d’impromptu
Femme, j’ai cru lire en tes yeux
De doux appels luxurieux,
Sache-le, s’il en est ainsi,
Ton désir est le mien aussi.
 
Nature le veut, c’est sa loi.
L’initiative est à toi ;
Heureux d’être l’obéisseur,
Je suis à tes ordres, ma sœur.
 
Sans permission du clergé
Et sans le moindre préjugé,
Je toucherai, si tu le veux,
Tes grands et tes petits cheveux.
 
J’aimerais, si cela te sied,
À couvrir, de la tête au pied,
Ton corps ferme, de baisers tous.
(Si c’est indécent, je m’en fous.)
 
Faim de chair et soif de baisers,
Tes désirs seront apaisés ;
Mon sac et ma gourde sont lourds
J’ai des vivres pour plusieurs jours.
 
Être mère on te le défend :
— L’homme n’a rien fait pour l’enfant —
Nous agirons en ce moment,
Révolutionnairement.
 
Corps et cœurs nous les unirons,
Pourtant, libres nous resterons ;
Pas de bonheur sans liberté,
De plaisir sans variété.
 
Nous nous moquerons des serments
Des époux, comme des amants ;
Certains que nous ferons, un jour,
Même accueil à nouvel amour.
 
S’il nous faut, à satiété,
L’eau, le pain et la liberté ;
Si le corps privé d’air se meurt,
Peut-on priver d’amour le cœur ?
 
Mais il dit zut à la Vertu
Et n’adore que l’impromptu.

Paru aussi in : L’Attaque : organe hebdomadaire anarchiste (1888-1890), nº 30 (22 février-1er mars 1890).