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Les Enfants de la nature

Paillette, Paul


Texte de Paul Paillette (1887). « En attendant une musique nouvelle qui nous convienne davantage, nous chantons cette chanson sur l’air : “Tas d’chicards, tas d’flambards !” » (1885) (refrain favori de « Les Canotiers de la Seine »), texte et mus. de Ferdinand Gauthier.


Indomptés,
Révoltés,
Les Enfants de la Nature.
 
Luttent pour
Voir un jour le doux règne de l’Amour.
Simples dans nos goûts, dans nos mœurs,
Nous aimons les oiseaux chanteurs,
Les bois, les prés, les fruits, les fleurs,
L’eau vive des vieilles fontaines ;
Savants comme les animaux,
Nous allons par monts et par vaux,
Indiquant aux hommes leurs maux,
Disant la cause de nos peines.
 
Indépendants, fiers vagabonds,
Dans les bois, parfois sous les ponts,
Nous piquons des sommes profonds
Et dédaignons l’asile immonde :
Loin de nous les vils mendiants,
Les soumis et les suppliants,
Si nous vivons d’expédients,
C’est pour empiler le vieux monde.
 
Flâneurs comme des écoliers,
Artistes plutôt qu’ouvriers,
Des usines, des ateliers
Nous fuyons la lourde atmosphère ;
L’esprit léger, le cœur content,
Nous faisons l’utile en chantant ;
Quand l’amour nous laisse un instant
Ah ! qu’il est doux de ne rien faire.
 
La richesse a notre mépris,
La force nous trouve insoumis,
Étre valet n’est pas permis :
— Notre ennemi, c’est notre maitre —
Le vice enfante la douleur,
Ne sois ni trompé ni trompeur,
Pour autrui défends ton bonheur :
Un lâche, c’est toujours un traître.
 
Vicieuse société
Déguise ta perversité ;
Nos corps, friands de volupté,
Se moquent de ton verbiage ;
Nous conjuguons le verbe aimer
Librement, sans nous informer
Si tu pourras faite rimer
Putains, divorce et mariage.
 
Quand le désir vient en chemin
Pourquoi remettre au lendemain ?
Sans un contrat sur parchemin
On s’adore sous la feuillée ;
C’est la morale des pinsons,
Chez eux pas de vieux polissons,
De magistrats fille-garçons,
De prêtres la jupe mouillée.
 
Amour ! dispose du plaisir.
Femelle ! impose ton désir :
Créatrice tu dois choisir
Le mâle qui puisse te plaire.
Le droit de l’entant est sacré ;
Sans le maire. sans le curé,
Femme libre, vis à ton gré.
Vieux monde, tire-toi d’affaire !
 
L’Amour vit dans la vérité.
Aimons, aimons, sans fixité ;
Désir éteint en liberté
En liberté pourra renaître.
Plus d’esclave à notre foyer,
La femme est le grand ouvrier :
Vit-on jamais pour travailler
L’outil vouloir guider le maître ?
 
Le roman du monde n’est rien.
Nous voulons le Beau dans le Bien,
Il faut à notre amour païen
Les plus colossales étreintes ;
Notre patrie est le Grand Tout ;
Notre cœur, un passe partout,
Cherche sa famille, surtout,
Du côté d’où viennent les plaintes.
 
Autrement qu’aux civilises
Il faut à nos sens apaises
Les caresses et les baisers
Des vieux. des bébés et des mères ;
Tous les vieillards sont nos parents,
Tous les petits sont nos enfants,
Et, qu’ils soient jaunes, noirs ou blancs,
Partout les hommes sont nos frères.

Paru aussi dans : L’Agitateur. — Marseille, 1892-1893. — Année 1, nº 6 (3 avril 1892).

Paru aussi dans : Le Libertaire (1895-1899), nº 13 (8-15 février 1896).

Paru aussi dans : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 67-71).

Paru aussi in : Manfredonia, Gaetano. — Libres ! Toujours… : anthologie de la chanson et de la poésie anarchistes au XIXe siècle. — Lyon : Atelier de création libertaire, 2011 (p. 112-113).