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Le Chant des prolétaires

Le Roy, Achille


Texte de Achille Le Roy (1879). Ici, version de 1908 ?


La police est au corps social ce que la vermine est au corps humain.

1
Ô travailleurs que la misère opprime,
Fut-il jamais plus lamentable sort ?
Pour les puissants qui règnent par le crime,
Faut-il souffrir cent fois plus que la mort ?
Car l’ouvrier, comme l’esclave antique,
Subit encor les plus iniques lois.
Des oppresseurs, telle est la politique :
De la souffrance ils étouffent la voix !
 
refrain
En avant, prolétaires !
Combattons pour l’Égalité.
Tyrans et mercenaires,
Faites place à la Liberté !
 
2
Pauvres martyrs, dans l’infernale mine,
Nous respirons le terrible grisou ;
Sur l’Océan que la foudre illumine,
Court notre esquif, allant sans savoir où ;
Nos rudes mains sèment les moissons blondes,
Et dans la forge aux dévorants fourneaux,
On fait de l’or de nos sueurs fécondes,
Mais cet or-là ne sert qu’à nos bourreaux.
 
refrain
 
3
Pour s’affranchir d’un trop long esclavage,
Le travailleur se prépare au combat :
Labeur sans trêve ou fléau du chômage
Le jette hélas ! sur un mortel grabat.
Malheur à lui si de son cœur encore
Il ne sait pas comprimer chaque bond ;
Car à ses cris, à défaut de Pandore,
C’est le fusil, le fusil qui répond !
 
refrain
 
4
La sombre usine, aux fétides murailles,
De notre vie accélère le cours :
Le parasite, amateur de ripailles,
À pour jouir les plus riants séjours.
Et cependant, tout homme qui respire
N’a-t-il pas droit à sa place au soleil ?…
Peuple, pour tous, s’il est vrai qu’il doit luire,
Allons, debout ! c’est l’heure du réveil !
 
refrain
 
5
Les parias, repoussés dans la fange,
Ont à choisir l’hospice ou la prison :
Ainsi le veut la République étrange
Dont les grands chefs sont au Palais-Bourbon.
Déshérités à l’esprit fier et libre,
Le Capital vous traite en vil bétail :
Pour établir un plus juste équilibre,
Donnez la chasse aux frelons du travail.
 
refrain
 
6
En notre siècle, on voit l’humble ouvrière
Victime encor du plus affreux destin :
Le lupanar, sinon le cimetière,
Guette ses pas au détour du chemin.
Mais l’homme noir, qui prône un autre monde,
À nos dépens se fait des jours heureux :
Libres-penseurs, dont la colère gronde,
Ecrasez donc ce serpent venimeux !
 
refrain
 
7
Les gens de guerre, aspirant aux conquêtes,
Rendent possible un nouvel Attila
Pour déchaîner les sinistres tempêtes,
Ils ont l’appui des fils de Loyola).
Tous ces bandits, par le fer et la flamme
Sèment la haine entre les nations :
Du sang impur de cette caste infâme,
À notre tour abreuvons nos sillons.
 
refrain
 
8
Proscrits jetés sur de mortels rivages
Ou dont la geôle étouffe encor les cris,
Nous allons mettre un terme à ces outrages…
Et vos geôliers au bout de nos fusils.
Tous ces félons, fuyards de nos frontières :
Les Gallifet, Déroulède et Garcins ;
Ces Cavaignac, fusilleurs et faussaires,
Ne sont-ils pas d’ignobles assassins ?…
 
refrain
 
9
Infortunés des campagnes, des villes,
Qui gémissez sous le même fardeau,
Abandonnons les querelles stériles
Et groupons-nous sous le même drapeau.
Le Communisme, espoir de l’indigence,
Du mauvais riche est toujours la terreur
Scellons par lui notre Sainte-Alliance,
Et guerre, guerre à tout vil exploiteur !
 
refrain
 
10
De la Commune au crime de Vill’neuve,
Dans notre sang a germé l’Avenir :
Si du Travail on voit grandir l’épreuve,
Soyons… « vaillants » si l’on veut en finir.
Marche au canon, Revanche sociale !
Avec le f…
Sois notre guide, Internationale,
Et nous vaincrons sous ton rouge étendard !
 
refrain

http://anarlivres.free.fr/pages/biblio/complements_texte/ChansonsLeroy.html [version de 1908 ?) :

  • Ignace de Loyola (1491-1556), prêtre et théologien espagnol, fondateur de la Compagnie de Jésus.
  • Gaston de Galliffet (1831-1909), général responsable de la répression de la Commune de Paris ; Paul Déroulède (1846-1914), homme politique d’extrême droite ; Eugène Cavaignac (1802-1857), général responsable de la répression des journées de juin 1848.
  • Lors de la grève des carriers de Draveil et Villeneuve-Saint-Georges en juin 1908, plusieurs grévistes furent assassinés par la gendarmerie. Il existe une variante : « De la Croix-Rousse à la Ricamarie / Dans notre sang a germé l’Avenir : / Et la Commune, indignement trahie ». Croix-Rousse : quartier ouvrier de Lyon marqué par la révolte des canuts (1831, 1834, 1848) ; La Ricamarie : haut lieu de la lutte des mineurs dans la Loire, où l’armée française tira sur la population et tua 14 personnes le 16 juin 1869.
  • Pour recevoir, avec la musique, le texte complet de ce poème (condamné jadis), adresser 50 centimes en timbres-poste à l’auteur, rue du Pot-de-Fer, 10, Paris (NdA). Vers censuré : « Avec le feu, la bombe et le poignard ».

Paru dans : Le Roy, Achille. — Les Réformes sociales urgentes. — Paris : Au siège de l’Union des travailleurs, 1979 (p. 31-33).

Paru aussi in : Bellot, Étienne. — Poètes et chansonniers socialistes. — Paris : A. Leroy, 1892 (p. 27). [Avec des vers légèrement différents. Voir Manfredonia, Gaetano. La Chanson anarchiste en France des origines à 1914 (1997), p. 341).

Paru aussi in : Brécy, Robert. — Autour de La Muse rouge : groupe de poètes et chansonniers révolutionnaires, 1901-1939. — Saint-Cyr-sur-Loire : Christian Pirot, 1991. — 254 p. (p. 21).