J’croyais au bon Dieu, comme on croit aux angesQuand on n’a, d’vant soi, qu’un ciel plein d’azurEt qu’au fond des boug’s aux remous étrangesOn traîne un p’tit cœur innocent et pur ;Mais depuis qu’j’ai vu les port’s de l’ÉgliseS’fermer sur le Gueux transi comme un chienEt s’ouvrir, tout’s grandes, devant la Bêtise,Je n’ crois plus en rien !…J’croyais à l’Amour, comme on croit au RêveQuand on a l’cerveau gonflé d’illusionsEt qu’un clair regard fixé sur la grèvePoursuit la Chimère au fil des Passions ;Mais d’puis qu’j’ai franchi le seuil des alcôvesOù j’ai vu des cœurs saigner dans leurs liensEt des chairs pâmées sous l’haleine des fauves,Je n’crois plus en rien !…J’croyais à la foi qui soulèv’ les mondesEt qui guid’ les peupl’s vers leur liberté ;J’croyais fermement aux vertus fécondesQue sèm’nt les penseurs par l’Humanité ;Mais depuis qu’j’ai vu, dans les hécatombes,Couler à plein flot le sang plébéïenEt des nuées d’ vautours s’abattr’ sur les tombes,Je n’crois plus en rien !…J’croyais au Bonheur intégral possiblePour tous ceux qu’la lutte a rendus meilleurs :Mais l’cœur généreux n’est-il pas la cibleDe tout’s les misèr’s, de tout’s les douleurs ?Quand j’vois les tyrans forger des entravesEt que j’sens peser leur joug draconien,Quand j’vois tant d’lâch’té parmi les esclaves,Je n’ crois plus en rien !…J’croyais au pardon, j’croyais à la foule,Aux grands horizons, aux saines clartés,Et mon Idéal trop humain s’écrouleSous l’choc imprévu des Réalités !Oh ! Peuple, debout ! Descends dans la lice !Au Destin farouche, impose ta loi !Ta révolte est sainte et libératrice :Je n’crois plus qu’en toi !…
Paris, 29 octobre 1921.