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Fraternité, lettre d’un propriétaire à son locataire à la guerre

Chambiet, Charles

Texte de Charles Chambiet (1916 ?).

« Cher locataire,
J’ai reçu avec grand plaisir votre lettre
Dont le ton élevé a su ; d’émotion, remuer mon être.
Je l’ai fait lire à mon gérant,
Qui l’a montrée à ma concierge.
Avec ma femme et ses parents,
Pour vous, nous brûlerons un cierge.
Se voir si loin de ses foyers
Fait paraître la vie amère,
Moi je ne touch’plus mes loyers,
Dame, chacun souffre à sa manière !
Vous dites, comme chacun sait,
Tous les jours, la presse l’insère,
Que s’il est doux d’être français,
Il est bien dur d’être à la guerre.
Quant aux tranchées, un d’mes amis,
M. Barrés, qu’est un grand homme
Et n’aime pas nos ennemis,
En tire chaqu’jour la forte somme.
Pour vous qui raillez les dangers,
Un assaut, c’est un exercice.
Moi qui ne touch’plus mes loyers
J’peux plus passer l’hiver à Nice.
Vous vous plaignez que les soldats
Perdent beaucoup, que la vie chère
Écrase tous ceux dont les bras
Sont faibles contre la misère.
Il ne faut pas trop exiger,
Les riches sacrifient mêm’l’utile.
Moi qui ne touch’plus mes loyers,
Y a quatre ans qu’j’ai pas été à Trouville ! »

Interprété par Muguette Jacquaint, députée communiste, à l’Assemblée nationale le 11 décembre 1987 lors d’un débat :
https://archives.assemblee-nationale.fr/8/cri/1987-1988-ordinaire1/115.pdf (page 7196)