Pour l’anniversaire des martyrs de Chicago
Les dieux d’antan,Les dieux de pierre,Les dieux de bois,Les dieux de sang sont pas morts !Les Trônes, qui courbaient ces fronts,Les Autels, ployant les genoux,Les barbares IdolâtriesVivent encore !Les Divinités, encenséesPar les vapeurs des chairs brûlées,Les orgueils des Sauvageries,Les triomphes des TyranniesReçoivent les apothéoses.Les statues, les hymnes, Les gloiresS’élèvent pour Les Égorgeurs.Et les pompes, les flatteries,Les cortèges des serviteurs,Et l’armée des férocités,Et les troupeaux de ta BêtiseChantent la beauté des Bourreaux !Mais les hontes, l’ignominie,Et les bagnes, et les supplicesFrappent tes héros de l’IdéeQu’indignent les iniquités,Frappent les cœurs humanitairesQue les misères adolorent ,Frappent les penseurs, révoltésPar l’horreur des assassinats,Frappent les justes qui se lèvent,Découvreurs de la Vérité,Proclamateurs de l’Idéal !Les tsars, les papes, les pontifes,Les empereurs, Les rois, les juges,Sont toujours les dieux tout puissantsLes dieux de fer, les dieux de sang.Toujours, et par toute la Terre,Les Seigneurs, les maitres, les chefsÉcrasent de leurs pieds sanglantsLes cœurs des foutes exploitées,Et comme au vieux temps des tûriesSe nourrissent de leurs chaires cruesEt boivent les rouges roséesQui tombent des yeux éplorésDes nations martyrisées !0 Jl1arty1·s, qu’on. pend, qu’on égorge,Que, dans les tombeaux des prisons,Les Cayennes, les Sibéries,Vivants, on enterre,Votre Pensée est immortelle,Les Temps futurs vous aimeront.Vos Paroles labourerontLes intelligences humaines,Y feront germer les vouloirs,Y pousser les actes virils.Les canons. les forts, les frontières,Les baïonnettes et les lois,Toutes les armes des tûries,Toutes les machines de guerre,Tout l’arsenal des Barbaries ;Seront vaincus par la Science,Seront broyés par tous les Hommes,Libres, Égaux et Fraternels,Réellement émancipésDans la radieuse Anarchie !Et si les Peuples restent sourds,Sourds à vos voix libératrices,Sourds à leur conscience intime,Sourds à l’avenir de leur vie,Sourds à l’appel de La Nature,Les Cratères s’insurgeront,De leurs épaules montagneuses,Ils secoûront les cathédralesDu Mal, de l’Ignoble et du Vil ;De leurs colères de taureaux,Ils viendront heurter les vieux trônes,Et renverser les piédestaux,Et pulvériser tous les dieux !Ils vomiront des mers de flammes :Et les Temples, les Châteaux-Forts,Les Kremlin, les Escurial,Les Palais, toutes tes Bastilles,Tous les dieux de fer et de sang,Dont L’ombre pesait à la Terre,Crouleront dans les incendies,Et s’envoleront en poussière !