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La Tête de mort

Couté, Gaston

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Texte de Gaston Couté, variante de La Chanson du laboureur. Puis diverses musiques : Gérard Pierron (1997), Max Boyer (2016).


Un jour en retournant la terre
D’un coin de champ sis où jadis
Se trouvait l’ancien cimetière
Qui reçut les vieux du pays,
En retournant la terre nue,
Au creux d’un sillon noir et d’or,
Soudain, une tête de mort
Buta dans mon soc de charrue.
 
Lors, prenant dans ma main calleuse,
Afin de mieux l’examiner
La tête à grimace hideuse,
Sans lèvres, sans yeux et sans nez,
J’ai rêvé de fille jolie,
Aux lèvres donneuses d’amour,
Aux yeux clairs comme un rais de jour
Pour qui j’aurais fait des folies.
 
Voyant son crâne à l’ossature
Toute blanche et dont le cerveau
Avait dû servir de pâture
Aux vers qui vivent des tombeaux,
J’ai rêvé de bourgeois très riche
Gros de ventre et fort d’appétit
Dont j’aurais servi comme outil
À faire le Boire et la Miche.
 
Et lançant à travers la plaine,
Selon mon désir, n’importe où !
Cette chose qui fut humaine
Comme on jetterait un caillou,
J’ai rêvé de grand capitaine
Qui m’aurait envoyé mourir
Ou faire mourir pour servir
Son œuvre de Gloire et de Haine.
 
Mais après, en voyant la tête
Reposer en l’herbe du pré
Où s’en vont reposer mes bêtes
Lorsque mon champ est labouré,
J’ai rêvé de travailleur blême,
De pauvre bougre comme moi,
Mort comme je mourrai moi-même !…

Poème paru aussi dans Le Libertaire : supplément hebdomadaire illustré du “Journal du peuple”, 3e série, nº 3 (5e année, 19-25 novembre 1899).