Alors qu’en Février la jeune République,Aux ailes du Progrès, ouvrait les horizons,D’occultes serviteurs du Veau d’Or monarchique,Sous des serments d’amour, cachaient leurs trahisons.Scribes et Pharisiens, — caste lâche et perfide, —Entouraient avec nous l’arbre de liberté :Ils parlaient de fraternité,Et ne rêvaient que fratricide !…Le Peuple à l’atelier, au scrutin, dans la rue,Écouta trop souvent l’hypocrite BourgeoisQui, pour lui faire encore avaler la ciguë,De la fraternité sut emprunter la voix.Tu fus confiant, Peuple, et ces hommes sordides,Comme par le passé, t’on sans cesse exploité ;Ils parlaient de fraternité,Ils agissaient en fratricides !…Victorieux, le Peuple eut horreur du carnage ;Il ne voulut pas même opprimer ses tyrans.Le Riche fut par lui préservé du pillage :Il veilla, jour et nuit, à la porte des GrandsMais de sa coque d’or, ignoble chrysalide,Le réacteur sortit ; le soldat fut capté :L’or parlait de fraternité,Et soudoyait le fratricide !…Quand, au soleil de Juin, les masses insurgéesSe tordraient en hurlant sur leurs larges pieds nus,Des phrases de pardon, par la Peur rédigées,Préludaient dans Paris au meurtre des vaincus.De nos législateurs l’arrêt liberticideEnvoyait aux pontons croupir la Pauvreté :Ils parlaient de fraternité,Et décrétaient le fratricide !…Gens de plume, avocats : bien des aristocratesUn jour aux pieds du Peuple ont brûlé leur encens.C’est pour mieux l’enchaîner qu’ils font les Démocrates ;De ce modernes grecs redoutons les présents.Il faut porter la blouse, il faut un cœur solidePour refondre au creuset une société :Sous le frac, la fraternitéEst compagne du fratricide !…Oui, la fraternité n’est qu’une duperie,Quand la misère et l’or sont ensemble accouplés.Depuis quand ouvre-t-on au loup la bergerie ?Bientôt, pauvres moutons, vous seriez étranglés.Ah ! — tant que dans nos lois l’égalité rigiden’aura pas incarné la solidarité, —La crédule fraternitéEnfantera le fratricide !…
La Force, Paris (1849)