Accueil > Chansons > Le Camarade Millerand

Le Camarade Millerand

vendu, un


Texte anonyme signé « Un vendu » (≤1902). Sur l’air : « Le Pendu » du chansonnier Maurice Mac-Nab (1856-1889) ?


1
Dans le grand parti socialiste
On se plaint depuis quelque temps ;
Les sectaires et les fumistes
Affectent des airs mécontents.
Cependant, — ce n’est pas un mystère,
Ça marche beaucoup mieux qu’avant,
D’puis qu’on a dans le ministère (bis)
Le camarade Millerand !
 
2
Malgré tout ce que peuvent dire
Les envieux et les jaloux,
Malgré tout c’que peuvent écrire
D’innombrables feuilles de choux,
Nous avons — ça les exaspère.
Le meilleur des gouvernements,
Puisqu on a dans le ministère (bis)
Le camarade Millerand !
 
3
Autrefois quand des militaires,
À la solde du patronat,
Faisaient feu sur les prolétaires,
On criait à assassinat.
Maintenant ce n’est plus une affaire,
C’est un rien un simple amusement…
— Nous avons dans le ministère (bis)
Le camarade Millerand !
 
4
Autrefois quand un parlementaire
Voulait s’offrir un pot de vin,
C’était une explosion d’colère,
Un scandale, un affreux potin !
Maintenant on se désaltère
Avec du Samos excellent…
— Nous avons dans le ministère (bis)
Le camarade Millerand !
 
5
Autrefois, pendant l’Wilsonisme,
On vendait des décorations,
Mais chacun, devant ce cynisme,
Étalait son indignation
Aujourd’hui, on vend sans manières
Des kilomètres de rubans…
— Nous avons dans le ministère
Le camarade Millerand ! (bis)
 
6
Jadis contr’ l’aristocratie,
On fulminait matin et soir,
Mais depuis qu’Nicolas de Russie,
Un beau jour, en Franc’ vint nous voir,
De la main mêm’ du petit Père,
On est fait baron facilement…
— Nous avons dans le ministère,
Le camarade Millerand ! (bis)
 
7
Autrefois la moindre infortune
Touchait le cœur de nos élus,
On les voyait à la tribune
Défendre nos droits méconnus.
Maintenant ils song’nt qu’à se taire
Dès qu’on cri’ : Silenc’ dans les rangs !
— Nous avons dans le ministère,
Le camarade Millerand ! (bis)
 
8
Autrefois contr’ la cléricale,
C’étaient des cris et des discours,
On livrait d’ardentes batailles,
On bouffait du prêtr’ tous les jours.
Maintenant ils n’songent qu’à se taire [Maintenant, chez les Très Saints-Pères,]
On fait élever son enfant…
— Nous avons dans le ministère,
Le camarade Millerand ! (bis)
 
9
Bref, ce ministère admirable
Où l’on voit un pur socialo
Fait tous les efforts désirables
Pour satisfair’ le populo
Sachons en profiter, mes frères
Car avant qu’il soit bien longtemps,
Nous n’aurons plus au ministère
Le camarade Millerand ! (bis)

Un vendu.


Millerand : Alexandre Millerand (1859-1943), homme politique radical puis socialiste (premier ministre socialiste en France), ministre du Commerce, de l’Industrie, des Postes et Télégraphes au temps de cette chanson (1899-1902).


Paru aussi dans : Le Libertaire, 4e série (1899-1901), in 8e année, nº 17 (8-15 mars 1902). Avec, au numéro suivant, cet « Erratum : Dans la chanson : Le Camarade Millerand, publiée dans le dernier numéro du “Libertaire”, lire au VIIIe couplet » : « Maintenant, chez les Très Saints-Pères, On fait élever son enfant. Etc..., Etc... »