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Ventre de gueux

Bercy, Léon de

Texte de Léon de Bercy (≤1900). Musique par Jean Cerneuil.

1
Le ventre à l’air, au nez du monde,
Issu d’un sexe dépravé,
Je fus, un jour, en plein pave,
Par Dame Nature bavé
Comme quelque chose d’immonde…
Et depuis lots — que le ciel clair
Emprunte au soleil sa brûlure,
Ou qu’en la nuit flambe l’éclair —
J’erre quasiment sans pelure,
Le ventre à l’air.
 
2
Mon ventre est plat, mais non pas — foutre !
De, s’être aplati devant ceux
Mieux enfantés ou plus chanceux :
Il est plat d’être paresseux
Et de l’horreur qu’il a de l’outre.
Pourtant, parfois, il prend son plat,
Et, quand l’ardeur du rut l’étouffe,
Il couche des gueuses à plat
Et fait des fils à sa mistoufle.
Mon ventre est plat.
 
3
Mon ventre est sec ; son cuir se dore
Et je l’irai par le chemin
Montrer comme un fier parchemin
Quand l’Histoire l’aura, demain,
Couvert des titres du lendore ;
Car, bientôt las d’être en échec
Et de mesurer ma. pitance,
J’oserai gueuler à plein bec
Le commun droit à l’existence :
Mon ventre est sec !
 
4
Mon ventre est creux, et sa peau tinte
Ainsi que celle des tambours.
Or, par les villes, les faubourgs,
Les villages et les labours,
Si jamais ma voix est éteinte,
Je veux de mes poings vigoureux
— Comme sur une caisse —
y battre La Générale aux miséreux
Quand viendra l’heure de s’ébattre.
Mon ventre est creux !

Chanson « Ventre de gueux » de Léon de Bercy ; musique de Jean Cerneuil
In Le Libertaire, 3e série, nº 39 (2-9 septembre 1900).

Paru aussi dans : Le Libertaire, 3e série (1899-1901), in nº 40 (2-9 septembre 1900).