1Les cloches au sonneur docilesNous assourdissent de leur bruit,Les chrétiennes en longues filesVont à la messe de minuit ;Mais au loin une masse bouge,On entend des avis irrités :Voici les serfs révoltésQui vont à la messe rouge ;Là-bas au clocher du lieu saint,Le bronze carillonne ;Ce n’est pas la messe qu’il sonne,C’est le tocsin !2Ils ont pour armes la cognée,La faux, le lourd bâton noueux !Ils vont ! ils vont ! l’âme poignée !S’excitant de leurs cris entre eux.Les torches jettent sur leur masseDes tueurs prises à l’enfer ;La Mort dit à Lucifer :« C’est ma cohorte qui passe.Là-bas au clocher du lieu saint,Le bronze carillonne ;Ce n’est pas la messe qu’il sonne,C’est le tocsin !3Ils marchent vers les tours hautainesDu castel où, suivant les us,Les barons et les capitaines,Vont fêter le Seigneur Jésus.Chantez damoiseaux ! belles dames !Chantes les doux feux de l’amour !Avant que vienne le jourVous subirez d’autres flammes.Là-bas au clocher du lieu saint,Le bronze carillonne ;Ce n’est pas la messe qu’il sonne,C’est le tocsin !4Des Jaques la troupe s’arrêteUn homme est sorti de leurs rangs,Il parle : « Si votre âme est prêtePour le châtiment des tyrans,Si nulle pitié ne vous trouble,Allez ! tuez ! n’épargnes rien ! »Tous disent : « Tu verras bienSi nous ne frappons pas double. »Là-bas au clocher du lieu saint,Le bronze carillonne ;Ce n’est pas la messe qu’il sonne,C’est le tocsin !5Alors au carnage on se rue !Rien ne peut briser leur effort !Chacun pille, viole ou tue !Sans pitié tout est mis à mort !Le populaire a la main rude,S’il est bon, il est fort aussi !Un seul instant venge ainsiDes siècles de servitude.Là-bas au clocher du lieu saint,Le bronze carillonne ;Ce n’est pas la messe qu’il sonne,C’est le tocsin !
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La Messe rouge
Herbel, Émile
Texte d’Émile Herbel (≤1888).
Paru aussi dans L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire (1888-1890), nº 27 (29 décembre 1888-5 janvier 1889).