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Les Criquets

Herbel, Émile

Texte d’Émile Herbel (≤1888).

Aux sinistrés d’Algérie.

1
Colon ! courage mon garçon !
Tu peines dûr ! mais, en échange,
Bien belle sera ta moisson !
Plus belle encore, ta vendange,
Ton blé grandit, ton cep est vert.
Vivat ! Hélas la joie est brève :
Sur l’aile du vent dit désert,
Là-bas, un voile noir s’élève.
 
La joie a fait place aux regrets.
Adieu ! blés drus, vigne superbe !
Malheureux ! voici les criquets,
Qui vont manger ton bien en herbe.
 
2
Où l’insecte s’abat, plus rien !
Le pillard, en une minute,
Met à néant le peu de bien
Que créèrent vingt ans de lutte.
À jamais ton bonheur a fui.
Car le criquet cette vermine,
Apporte toujours avec lui
Et la misère et la famine.
 
La joie a fait place aux regrets.
Adieu ! blés drus, vigne superbe !
Malheureux ! voici les criquets,
Qui vont manger ton bien en herbe.
 
3
Oh ! je comprends qu’après cela
Tu te plaignes et te révoltes,
Car ceux qui gouvernent par là
Pouvaient préserver les récoltes.
Ils connaissaient bien le danger,
Mais, contre lui, les armes coûtent.
Mieux vaut, dans les palais d’Alger,
Festoyer …
Toi ! crève ! ils s’en foutent !
 
De Mustapha, les murs discrets
Ont vu mainte fête superbe.
Et voilà pourquoi les criquets
Ont pu manger ton bien en herbe.

Paru aussi dans L’Attaque : organe socialiste révolutionnaire (1888-1890), nº 7 (1er-8 aout 1888).