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La Danse des opportunistes

Souëtre, Olivier


Paroles d’Olivier Souvestre/Souëtre (ca1887 ?).


Attention ! ! Je vois renaître
Ce cher Léon, leur ancien maitre,
Qui vient danser un rigodon ;
Et, sensible à leurs sérénades.
Avec mille et mille gambades,
Il leur redit, du meilleur ton :
 
(refrain)
À nous la France
À dévorer,
Et vive la bombance
Tant qu’elle peut durer
 
Admiré de toute la bande,
Au beau sexe même, il commande,
Fier comme un coq sur ses ergots,
Quand la faible main d’une femme
De ses projets découd la trame,
Tandis qu’il répète ces mots :
 
refrain.
 
Alors, en le toisant à terre,
Et sachant éteint son tonnerre,
Le bon Jules, brave à tout crin,
Issu, dit-on, d’un nain difforme,
Le flaire avec un pif énorme,
Fredonnant, joyeux, son refrain :
 
refrain
 
Puis, déployant toute la grâce.
Dont fait parade un vrai paillasse,
Il danse, il danse avec amour ;
Et, sans être noceur, en somme,
Pareil au singe imitant l’homme,
On l’entend chanter à son tour :
 
refrain
 
Mais, tout au succès qui le grise,
Le fourbe ajoute, avec franchise :
-- Fi des programmes d’autrefois !
Assez nuit pour nous élire,
« Le Peuple roi », ce pauvre sire,
N’a qu’il se courber sous nos lois !
 
refrain
 
-- Autour des urnes, qu’on délaisse,
Tantôt, à coups de grosse caisse,
Il faut battre le ralliement,
Tantôt, sur le terrain de lutte,
Il faut jouer un air de flûte,
Accompagné d’un boniment :
 
refrain
 
-- Enfin, si l’on résiste au charme,
Il nous reste bien le gendarme,
Pour aiguillonner les plus mous ;
Mais, au fait, soyons bons apôtres
Pour les uns comme pour les autres,
Du moment qu’ils votent pour nous !
 
refrain
 
-- Quant à ces brutes délirantes,
Qui voudraient nous piper nos rentes,
Moi, je m’engage âges calmer :
Au service de la canaille,
Nous avons fusils et mitraille,
Las, depuis Mai, de chômer !
 
refrain
 
Hourra ! clame la troupe immonde
Nouant une infernale ronde
Autour des gros ventres ballants !
Et la voilà, folle de joie,
Comme la meute après sa proie,
Depuis, en rut, toujours hurlant :
 
refrain
 
Pendant qu’ils dansent de la sorte,
Marianne enfonce la porte ;
-- Hors d’ici, maîtres et valets !
Horreur ! chez moi, criant famine,
Cette insatiable vermine…
Ah ! les amis, vite aux balais !
 
À nous la France,
À délivrer,
Et trêve à la bombance
Qu’ils ont fait trop durer !
 
Soudain, des engin redoutables
Qui nettoyèrent tant d’étables,
Le peuple, armé par le.dégent,
Balayant ces êtres de boue,
Comme un hercule qui s’en joue,
Ensemble les jette à l’égout !
 
À nous la France,
À délivrer,
Et trêve à la bombance
Qu’ils ont trop fait durer !

Notes de La Révolte :
Ce cher Léon : Léon Gambetta.
Le bon Jules : Jules Ferry.
Un nain difforme : le bouffon de Stanislas Leczinski, roi détrôné de Pologne.
Les brutes délirantes : tous les révolutionnaires.


Paru aussi in : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 1, suppl. litt. au nº 26 (17 mars 1888)