À Charles Avenet
1Petit enfant, dont la chair demi-nueÀ la fraîcheur des roses du matin,Point n’est besoin d’interroger la nuePour deviner quel sera ton destinPour un salaire, insuffisant ton pèreVend chaque jour la force de ses brasÀ l’atelier, quand tu pourras le faire, / Petit enfant tu l’accompagneras. (bis)2D’autres enfants, que tu vaux bien, sans doute,Venus au monde en même temps que toi,Succèderont à ceux dont je redouteL’inexorable et tyrannique loi.À ces enfants, que le sort achemineVers les palais des maîtres d’ici-bas,Bon gré, mal gré, sous peine de famine, / Petit enfant, tu leur obéiras. (bis)3Dans la douceur d’alcôves à dentellesQu’embaumera la flore des étés,À leurs vingt ans les femmes les plus bellesIront offrir d’exquises voluptés.Toi, fatigué d’une longue détresse,C’est dans un lit sans oreillers ni draps,Avec, hélas ! la douleur pour maîtresse, / Petit enfant, que tu t’endormiras. (bis)4Et quand la mort, chasseresse importune,Tendra pour vous ses funèbres lacets,En des tombeaux outrageant l’infortuneS’abriteront leurs cadavres glacés.Loin d’eux alors, dans une fosse immense,Des oubliés allant grossir le tas,Au champ de calme et d’éternel silence, / Petit enfant, tu te reposeras !… (bis)