Accueil > Chansons > Pauvres moutons

Pauvres moutons

Grandidier, Louis


Texte de Louis Grandidier (1899).


Pauvres moutons qui dans la plaine
Suivez tristes votre chemin,
Faibles frères du genre humain,
Savez-vous pas que votre laine
En notre monde utilitaire
Enrichit les rois de la terre.
 
Pauvres moutons qui de la glèbe
Grattez jusqu’au fond les sillons,
N’écoutez pas les oisillons,
Ils ne chantent pas pour la plèbe ;
Mais bûchez dur, mais bûchez ferme,
Votre vautour attend son terme.
 
Pauvres moutons, chair à machine
Trimer toujours, chair à boulot,
La dèche seule est votre lot.
Consumez-vous donc à l’usine
Tandis que les patrons en fêtes
Se moquent de vous, pauvres bêtes.
 
Vous noirs moutons que dans la mine
Gagne : votre pain sou à sou,
Jusqu’à ce qu’un coup de grisou
Votre calvaire, enfin termine ;
Point n’est besoin pour vous de geindre
Car aucun ne songe à vous plaindre.
 
Pauvres montons, bêtes de somme
Forçats du travail infécond,
Allons, passez le Rubicon ;
Redressez-vous, soyez des hommes,
Voici l’instant de la révolte,
Pour vous, demain faites récolte.

Paru dans Le Père Peinard, 2e série, nº 120 (5-12 février 1899).

« Monsieur Vautour » est l’archétype du propriétaire exploiteur.