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Loupillon 1910

Couté, Gaston


Texte signé « le Subéziot » (Gaston Couté, 1910).


Puisque, cet an-ci, les coteaux
Ont reçu dans leurs verts manteaux
Les dons coutumiers des comètes,
Bonnes gens, réjouissez-vous
En songeant au prochain vin doux :
Les vignes promettent…
 
Triste Armand, pour te reposer
Du travail que tu viens d’oser
Et pour en fuir les conséquences,
Va te terrer dans un sillon
De tes vignes du Loupillon
Pendant les vacances :
 
Là-bas — car, tout de même, il faut
Après ces matins d’échafaud
Une atmosphère qui vous change —
Tu voudras peut-être goûter
L’adorable sérénité
Des soirs de vendange ?
 
Mais le vin, coulant en ces soirs,
Au pied des honnêtes pressoirs,
Aura la couleur de ton crime ;
Et tes yeux se refermeront,
Bourreau qui joue au vigneron
Sur quel rouge abîme ?
 
Quant à ce vin, jus de raisin
Cueilli par tes mains d’assassin,
Pas de danger que nul y touche ?
Si l’on osait en boire un coup
Il pourrait vous laisser un goût
De sang, dans la bouche !
 
Voilà ton Loupillon foutu :
Car, si tous chantaient sa vertu
Après les vendanges dernières,
Cette fois-ci — par ton nombril ! —
Tu n’en vendras pas un baril,
Non ! Moussu Fallières !
 
Mais, pour qu’il ne soit pas perdu,
Bois-le donc, à la faveur du
Premier gala qui vous rassemble,
Avec Alphonse et Nicolas
Car vous êtes bien faits, hélas !
Pour trinquer ensemble…

(Samedi 9 juillet 1910)


Paru dans La Barricade, nº 6 (9 juillet 1910).