À Georges Vanor.
En les bas quartiers de Lutèce.Il est des gueux qui vont foulantLe pavé d’un pas chancelantLe front ceint d’un air indolentContrastant avec leur détresse :Ce sont des doux, des résignés.Parmi les vaincus de la vie,Par le destin L’âme asservie,Ils poursuivent, sevrés d’envie,Les jours qui leur sont assignés,Les résignés !Indifférents à toutes choses.Ne tendant même pas la main.Ils vont sans souci de demain,Comme si le désert humainCélait des oasis de roses :Par l’abrutissement gagnés.Ils subissent revers, sévices.Hontes, affronts, peines, supplices,Toutes les pires injustices,Sans moindrement être indignés,Les résignés.Pauvres gens au cerveau débile.Aux appétits neutralisés.Sous l’œil froid des civilisésReposez vos membres brisésSur le pavé de la grand’ ville.Las ! tant que seront alignés,Comme d’infécondes semailles.De grands mots creux sur nos murailles.Vous ne serez en nos bataillesQue d’immuables dédaignés,Ô Résignés.Mais quand naîtra l’aurore blondeDu jour où, lassés d’avoir faim,Vous revendiquerez enfinVotre juste part au butinDes plaisirs et splendeurs du monde,Par les révoltes empoignés.Vous frapperez en vos colèresTous les fauteurs de vos misèresEt courtiserez les chimèresDont vos esprits sont imprégnés,Ô Résignés !