Au citoyen Protot.
Devant toi, misère sauvage,Devant toi, pesant esclavage,L’insurgéSe dresse, le fusil chargé !L’insurgé !… son vrai nom c’est l’Homme,Qui n’est plus la bête de somme,Qui n’obéit qu’à la raison.Et qui marche avec confiance,Car le soleil de la science,Se lève rouge à l’horizon.On peut le voir aux barricadesDescendre avec les camarades,Riant, blaguant, risquant sa peauEt sa prunelle décidéeS’allume aux splendeurs de l’idée,Aux reflets pourprés du drapeau.En combattant pour la CommuneIl savait que la terre est Une,Qu’on ne doit pas la diviser,Que la nature est une sourceEt le capital une bourseOù tous ont le droit de puiser.Il revendique la machineEt ne veut plus courber l’échineSous la vapeur en action,Puisque l’Exploiteur à main rudeFait instrument de servitudeDe l’outil de rédemption.Contre la classe patronaleIl fait la guerre socialeDont on ne verra pas la finTant qu’un seul pourra, sur la sphère,Devenir riche sans rien faire,Tant qu’un travailleur aura faim !À la Bourgeoisie écœuranteIl ne veut plus payer la rente :Combien de milliards tous les ans ?…C’est sur vous, c’est sur votre viandeQu’on dépèce un tel dividende,Ouvriers, mineurs, paysans.Il comprend notre mère aimante,La planète qui se lamenteSous le joug individuel ;Il veut organiser le monde,Pour que de sa mamelle rondeCoule un bien-être universel.Devant toi, misère sauvage,Devant toi, pesant esclavage,L’insurgéSe dresse, le fusil chargé !
Paris, retour d’exil, 1884.