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Aux libertaires : diptyque

Théodore, Jean


Texte (2 sonnets) de Théodore Jean (≤1895).


I. Autorité
Gouvernants, votre Sceptre est un glaive sanglant,
Que la Sauvagerie et les Instincts barbares
Ont orné de rubis et de diamants rares :
Lambeaux de chairs et pleurs des victimes râlant.
 
Maîtres, vos Lois sont de ténébreuses prisons !
Où les geôliers-bourreaux détiennent la Justice !
La vérité, le Droit Naturel, la Raison ;
Enchaînés, bâillonnés, en proie à vos caprices.
 
Vos arguments sont des fusils et des épées.
Aux fous vous répondez par des têtes coupées,
Ces fous, qui vont clamant les futurs paradis.
 
Mais le Silence des cachots et des massacres
Est la Voix, qui grandit dans le temps et consacre
La gloire des martyrs et l’horreur des bandits.
 
II. Liberté
Une guirlande au long de tes cheveux fleurit.
De tes mains des rameaux d’olivier se répandent.
L’univers à tes pieds murmure et e sourit.
Des colombes, des lys et des champs t’enguirlandent.
 
Fruits vers encor, moisson d’hier enfin [mortes ?],
Le vieillard et l’enfant t’apportent leur offrande.
Mère aux seins lourds, c’est toi qui te ton lait nourris
Et qui de ta clarté fais la Terre plus grande.
 
Toi, qui donne l’Amour, la Joie et la Beauté,
Mets au sang l’énergie, au cœur la volonté.
Et de chefs-d’œuvre emplis les rêves du génie.
 
Regarde ces laquais qui se disent, nos Rois…
En moi reste vivante, en toi seule je crois,
Ô Liberté, cause du monde en harmonie !

Paru aussi dans : Le Libertaire (1895-1899), nº 3 (29 novembre-6 décembre 1895).