Les mains dans ses poches percéesEt les coudes pareils,Traînant des savates uséesD’où sortent ses orteils ;Sans lit, sans pain, sans sou, ni mailles.Il longe les vieilles murailles,Claquant des dents et l’œil vitreux…… Ah ! vous ne savez pas, vous autres,Qui n’êtes pas des nôtres,Comme on a froid le ventre creux !Il trotte, flairant une bornePour s’y croupetonner ;Un coin où l’ombre d’un tricorneN’ira pas le gêner…Il va passer une nuit blanche.Avec la Morgue sur la planche,Seul gîte ouvert aux malheureux…… Ah ! vous ne savez pas, vous autres.Qui n’êtes pas des nôtres,Comme on a froid le ventre creux !Mais n’a-t-il pas une famille ?À quoi bon y penser :On ne traîne pas la guenille,Quand on peut s’en passer.Et s’il s’en va, cherchant fortune,Souper d’un maigre clair de lune.C’est qu’on manque de tout chez eux…… Ah ! vous ne savez pas, vous autres.Qui n’êtes pas des nôtres,Comme on a froid le ventre creux !Et maintenant que l’on devine,Chez les bien élevés,Pourquoi le jour où la famineFait sauter les pavés,Un enfant, la mine farouche,Vient aussi brûler sa cartoucheEn entonnant le chant des gueux !…… Ah ! vous ne savez pas, vous autres.Qui n’êtes pas des nôtres,Comme on a froid le ventre creux !
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L’Enfant pauvre
Clément, Jean Baptiste
Texte de Jean Baptiste Clément (≤1885).
Paru dans : Clément, Jean-Baptiste Clément. — Chansons de Jean-Baptiste Clément. Paris, 1885.
Paru aussi in : L’Insurgé : organe communiste-anarchiste (1885-1885), nº 2 (22-29 mars 1885).
Paru aussi in : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 8-9).