À Alphonse Humbert, conseiller municipal.
Ici fut l’abattoir, le charnier ! — Les victimesRoulaient de ce mur d’angle à la grand’fosse en bas,Les bouchers tassaient là tous nos morts anonymesSans prévoir l’avenir que l’on n’enterre pas.Pendant quinze ans, Paris, fidèle camarade,Déposa sa couronne au champ des massacrés.Qu’on élève une barricadePour monument aux Fédérés !Oui, pour tout monument, peuple, un amas de pierres !Laissons l’Académique aux tueurs de bon goût,Et sur ces pavés bruts qu’encadreront les lierres,Simple, allant à la mort, Delescluze debout,Des cadavres autour dans leur vareuse brune,Des femmes, des enfants, mitraillés, éventrés ;Qu’il ressuscite la Commune,Le monument des Fédérés !Qu’il témoigne comment règne la Bourgeoisie,Qui pille le travail et fait des indigents,Embrouille tous les fils dont sa main s’est saisieEt se tire d’affaire en massacrant les gens.Et quand notre misère, accusant leur victoire,Accule au pied du mur les bourgeois empiffrés,Qu’il soit notre réquisitoire,Le monument des Fédérés !Que sur chaque pavé, peuple, ton ciseau graveUne date de meurtre ou le nom d’un martyr !De l’histoire qu’il soit la page la plus grave,Dénonçant l’esclavage et criant d’en sortir.Et, comme le tocsin, soulevant l’avalancheDes gueux, des meurt-de-faim, fiévreux, exaspérés,Qu’il soit l’appel à la revanche,Le monument des Fédérés !
Paris, mai 1883.