Au citoyen Paul Lafargue.
Toi, la terreur du pauvre monde,Monsieur Vautour ! monsieur Vautour !Quittance en main, tu fais ta ronde.Déjà le huit ! déjà ton jour !Vautour !Cet homme a donc créé la terre,Le moellon… le fer et le bois !-- Non ! … Cet homme est propriétaire,Son terme vient tous les trois mois.Oh ! c’est un rude personnage.Avant tout autre créancierIl peut vendre notre ménage,Nous donner congé par huissier…De par la loi sèche et bourrue,Femmes en couche et moribonds,Tant pis, s’il vous flanque à la rue !On ramasse les vagabonds !Lorsque chômage et maladieAttristent déjà nos foyers,Sur nous, comme une épidémie,Sévit la hausse des loyers.Depuis dix ans la vie afflueDans son quartier de terrains nus :Encaissant seul la plus-value,Il décuple ses revenus.Avec nos pleurs, nos sueurs vaines.Il a gâché tout son mortier.C’est le plus pur sang de nos veinesQu’il touche en rentes par quartier.Un prompt remède est nécessaire…Vautour est féroce et subtil :Mais, s’il pousse à bout la misère,Comment cela finira-t-il ?Il faut que le pauvre s’abrite,On a sommeil comme on a faim.Ne doit-on pas taxer le gîteComme l’on a taxé le pain ?L’usure a ses heures tragiques.Foulon vous apprend, mes amours,Comme on promène au bout des piquesLa tête pâle des vautours.Toi, la terreur du pauvre monde,Monsieur Vautour ! monsieur Vautour !Quittance en main, tu fais ta ronde.Déjà le huit ! déjà ton jour !Vautour !
Paris, 1882