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Les Ivrognes

Bellot, Étienne


Texte d’Étienne Bellot (1905).


refrain
La morale des beuveries,
La moisson des ivrogneries
Sera votre rêve « divin ».
 
1
Mangez, buvez, roulez encor,
Au bout du fossé la culbuta :
Que le soleil de Messidor
Brille et triomphe en votre chute.
Empoisonnez tous les cerveaux
Asphyxiez l’intelliqence ;
Pour la cure des vins nouveaux,
Élevez un temple à la panse.
 
2
Pour le nectar qui vous soutient,
En des couplets jubilatoires,
Comme de braves citoilliens,
Vous devez chanter ses victoires.
C’est lui qui calme les douleurs,
Le savoureux jus de la vigne ;
En disant qu’il cause des pleurs,
C’est tenir un langage indigne.
 
3
Le long des murs, les corps dolents,
Pareils à des chiens faméliques,
Les ivrognes s’en vont, ballants,
Vers les ivresses fatidiques.
L’ivrogne n’est pas ignorant,
Il se moque de la misère ;
Il sait toujours tenir son rang,
Étant « révolutionnaire ».
 
4
Puisque le vin donne du sang,
Soyez logiques, les ivrognes ;
Si par lui, vous êtes puissants,
Empiffrez-vous, teignez vos trognes !
Pour mettre un terme aux désaccords,
N’allez jamais dans la bataille ;
Buvez des verres a pleins bords,
Dansez autour d’une futaille.
 
5
Soyez pour les triomphateurs ;
N’ayez point de fausses faiblesses ,
Léchez les bottes des vainqueurs,
Approuvez les scélératesses,
Tous les abus reculeront
Devant vos cuites héroïques,
Et les crimes s’effaceront,
Devant les mondes alcooliques.
 
refrain
Poètes, chantonnez le vin
La morale des beuveries,
La moisson des ivrogneries
Sera votre rêve « divin ».

Paru dans : Bellot, Étienne. — Chansons du sang. — Paris, 1905.

Paru aussi in : L’Anarchie (1905-1914), nº 12 (29 juin 1905)