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L’Auge

Pottier, Eugène


Texte d’Eugène Pottier ≤1885).


À Jean Baptiste Clément, membre de la Commune.

1
L’ordre bourgeois, c’est l’auge immense
Où de gros porcs sont engraissés.
Tous les fumiers de l’opulence
Sous leurs groins sont entassés.
Ils se gavent du populaire,
Ces déterreurs de capitaux.
Ce n’est pas avec de l’eau claire
Qu’on engraisse les aristos !
 
2
Ils ont tout pris : les champs, la ville,
L’État, la Banque et le Trésor,
Des faux savants la clique vile
Érige un culte au cochon d’or.
Un vin pressuré du salaire,
Les saoule au fond de leurs châteaux…
Ce n’est pas avec de l’eau claire
Qu’on engraisse les aristos !
 
3
Affamé, squelette qui navre,
Vois-les digérer, triomphants,
La chair qui manque à ton cadavre,
La cervelle de tes enfants.
Quand leur règne affreux se tolère,
Les peuples y laissent leurs os.
Ce n’est pas avec de l’eau claire
Qu’on engraisse les aristos !
 
4
Dans leur ordure ensoleillée,
Conciliant l’industrie et l’art,
La haute classe entripaillée
Fait des lois et se fait du lard.
Tout se faisande pour leur plaire,
Il leur faut larbins et châteaux.
Ce n’est pas avec de l’eau claire
Qu’on engraisse les aristos !
 
5
Abrutis par les folles sommes
Qu’ils volent aux crève-de-faim,
Ces pourceaux ne seront des hommes
Que quand ils gagneront leur pain.
Bientôt leur auge séculaire
Va s’effondrer sous nos marteaux.
Ce n’est pas avec de l’eau claire
Qu’on engraisse les aristos !

Voir :
Pottier, Eugène. — Chants révolutionnaires. — Paris : Comité Pottier, 1908.

Paru aussi dans L’Insurgé : organe communiste-anarchiste (1885-1885), nº 8 (3-10 mail 1885).

Paru aussi dans : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 3, suppl. litt. au nº 4 (5 oct. 1889)

Paru aussi dans La Sociale nº 54 (17-24 mai 1896).

Paru aussi dans : Chansonnier de la révolution. — Genève : Le Réveil socialiste-anarchiste, 1902 (p. 46-47).