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Le Rossignol et la bergère

Le Roy, Achille


Texte de Achille Le Roy (≤1885)


Au citoyen D. Perrodet, ex-administrateur du Prolétaire

Les hordes du monde sont celles de la patrie prolétarienne.

Victimes que la gloire
Doit coucher au cercueil,
Prolétaires en deuil,
Méditez cette histoire.
 
1
Au sein du vert feuillage,
Arrêté dans son vol,
Le tendre rossignol
Modulait son ramage.
Au bord d’une fontaine,
Sous les bosquets en fleurs,
Lise versait des pleurs
Profonde était sa peine.
« Ah ! faut-il que la guerre,
 » Ce fléau d’ici-bas,
 » Vint jadis de mes bras
 » Arracher mon Valère !
 » Près de cette onde pure,
 » Au bon temps, chaque jour,
 » Nous nous parlions d’amour,
 » Sous l’œil de la Nature.
 » Combien sous la feuillée
 » Étaient doux nos transports !
 » Que de fois sur ces bords
 » Je m’endormis charmée ! »
L’oiseau dans la charmille,
Seul par son chant divin
Répondait au chagrin
De la sensible fille.
 
2
Laboureur, bergerette
Croyaient en l’avenir
Valère dut partir
Au son de la trompette.
Voulant grandir leur taille,
Les empereurs bandits
Souvent jouent leur pays
Au jeu de la mitraille.
Fidèle à son amie,
Méprisant les tyrans,
II combattit longtemps
Pour ce vain mot Patrie
Un jour, la France en larmes
Plia sous les revers :
Pour lui donner des fers,
Son chef vendit ses armes.
Mais pour la République
Et pour l’Humanité,
Paris, noble cité,
Redevint héroïque.
 
3
Trahi par la Fortune,
Sous le Mont-Valérien,
Valère, en citoyen,
Tomba pour la Commune.
Il respirait encore,
Dans l’ombre et sans secour
Galiffet le Pandour
L’acheva, dès l’aurore.
Et dans son gai langage,
Le doux chantre des bois
Semblait encor parfois
Dire à Lise « Courage !
 » De l’humble prolétaire,
 » Maudit soit l’égorgeur,
 » Maudit soit l’Empereur,
 » Maudite soit la guerre »
 
Conclusion
Pour qu’auprès des bergères
Restent les laboureurs,
Chassons les fusilleurs,
Effaçons les frontières !

http://anarlivres.free.fr/pages/biblio/complements_texte/ChansonsLeroy.html

Paru aussi in : Le Roy, Achille. La Revanche du prolétariat. Paris : Librairie socialiste internationale, 1885 (p. 44-45).