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Vous oubliez !

Lanoff, Robert


Texte de Robert Lanoff (ca 1911 ?).


Chanson satirique

1
Vous, les heureux, qui semez les richesses,
Jetant votre or pour vos moindres désirs,
Sans cœur devant les plus sombres détresses,
Vous vous vautrez dans de honteux plaisirs.
Les miséreux gîtent dans des mansardes,
Vous habitez de somptueux palais,
Pour se couvrir tandis qu’ils ont des hardes
De pourpre et d’or vous vêtez vos laquais.
 
refrain
Vous oubliez au sein de l’opulence
Qu’en leur taudis souffrent des malheureux,
Ils ont pourtant le droit à l’existence,
Vous regorgez devant leurs ventres creux.
Vous gaspillez votre argent en folies,
Quand à côté d’autres n’ont pas de pain,
Vous oubliez pendant vos nuits d’orgies
Que près de vous des gueux crèvent de faim !
 
2
Femmes du monde, épouses légitimes,
Qui méprisez les marchandes d’amour,
Ne jetez pas la pierre à ces victimes,
Vous qui vendez votre corps chaque jour,
Pour vos maris dans quelque ministère,
Quand vous allez par pure ambition
Chercher la croix au prix de l’adultère,
Que parlez-vous de prostitution ?
 
refrain
Vous oubliez, élégantes mondaines,
Que les catins racolant le passant
Ne le font pas pour des raisons si vaines,
Mais pour manger ou nourrir un enfant.
Votre grand monde en tout son artifice
N’est bien pétri que de lubricité,
Vous oubliez que vous faites par vice
Ce qu’elles font, mais par nécessité.
 
3
Vous, les patrons de ces grandes usines,
Où l’ouvrier travaille avec ardeur,
Le dos courbé sur d’énormes machines,
Vous encaissez le fruit de son labeur.
Vous allouez aux gros actionnaires
Ainsi qu’à vous des pour cent fabuleux.
 
refrain
Vous oubliez dans tout votre égoïsme
Combien est dur le sort des travailleurs,
Envers les gueux montrez moins de cynisme
Et désormais songez aux producteurs
C’est par leurs mains que vient votre fortune.
Tâchez dès lors de vous en souvenir,
Vous oubliez qu’ils crèvent d’infortune,
Assurez-leur un meilleur avenir !
 
4
Grands empereurs, monarques autocrates,
Qui gouvernez avec férocité,
Sous le couvert de vos lois démocrates
Vous abusez de votre autorité.
À votre gré vous déclarez la Guerre,
Pour raffermir votre trône branlant,
De flots de sang vous rougissez la terre,
Pour vos besoins de lucre répugnant.
 
refrain
Vous oubliez que, mères de famille,
Les femmes n’ont jamais fait des enfants
Pour que la mort de sa rouge faucille
Les fauches un jour dans des combats sanglants.
Lors d’un conflit tous les peuples du monde
Se soustrairaient à cet odieux forfait,
Vous oubliez au loin qu’une voix gronde
Et cette voix… c’est celle de la Paix !

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