À Lucien-Victor Meunier, auteur des Clameurs du pavé.
Elle traîne à demi rongéeSa vieillesse de dix-sept ans ;Sa robe de haillons frangée,Ses bas troués, ses seins pendants.Du tapis franc, c’est la femelle.Eh quoi ! cette éponge à vin bleu,Cette fille, cette femelle,Elle est enceinte ! ah ! nom de Dieu !Pauvre petit êtreQue rien ne défend,Eh quoi ! tu vas naîtreComme un autre enfant ?Ta mère, inscrite à la police,Lasse de sa maternité,Va mettre bas dans un hospiceTa jeune âme et ton sang gâté.Tu ne sauras rien de ton père :Le vice en rut, le hasard gris,Un soir, ont payé pour te faire,Quelques sous pleins de vert-de-gris.Maraudant l’ordure à la halle,T’abrutissant par l’alcool,Tu seras l’enfant de la balle,Du vagabondage et du vol.On t’ouvrira le séminaireDe l’escarpe et du chourineur,Des élèves de LacenaireT’enseigneront le point d’honneur.Au crime tout te prédestine.Frère ! les mains rouges de sang,Si tu meurs sur la guillotine,Nul ne s’en peut croire innocent.Tu vas où ton milieu te pousse,Fils de la Fange, sang gâté,Ah ! qu’au moins ta vie éclabousseLe front de la société !Pauvre petit êtreQue rien ne défendEh quoi ! tu vas naîtreComme un autre enfant ?