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La Petite qui tousse

Richepin, Jean


Texte de Jean Richepin (1876).


Les aiguilles des vents froids
Prennent les nez et les doigts
Pour pelote.
Quel est sur le trottoir blanc
Cet être noir et tremblant
Qui sanglote ?
 
La pauvre enfant ! Regardez,
La toux, par coups saccadés,
La secoue,
Et la brise qui la mord
Met les roses de la mort
Sur sa joue
 
Les violettes sont moins
Violettes que les coins
De sa lèvre,
Que le dessous de ses yeux
Meurtris par les baisers bleus
De la fièvre.
 
Tousse ! Tousse ! Encor !
Tantôt On croit ouïr le marteau
D’une forge ;
Tantôt le râle plus clair
Comme un clairon sonne un air
Dans sa gorge.
 
Tousse ! C’est le cri perçant
Du noyé lourd qui descend
Sous l’écume,
Tousse ! C’est lointain, lointain,
Ainsi qu’un glas spis s’éteint
Dans la brume.
 
Tousse ! tousse ! Un dernier coup !
Elle laisse sur son cou
Choir sa tête.
Tel sous la bise un flambeau ;
Et pour la paix du tombeau
Elle est prête.
 
Elle épousera ce soir,
Sans bouquet, sans encensoir,
Sans musiques,
Plus tôt qu’on n’aurait pensé,
L’hiver, ce vieux fiancé
Des phtisiques.

Tiré de : Richepin, Jean. La Chanson des gueux. Paris : Libr. illustrée G. Decaux, 1876.

Paru aussi in : Le Révolté : organe communiste anarchiste. — 2e série. — Paris : 1885-1887. — Année 8, nº 45 (28 févr.-4 mars 1887)