Les estomacs craintifs des filles amaigriesMurmurent : Qu’aurons-nous fleurais à triturer ?Les pauvresses s’en vont, voulant les rassurer,Les unes aux trottoirs, les autres aux mairies.Les ventres affames ont bien vite renduLes vingt sous du passant, le pot-au-fou du mâle,Mais l’amour pousse un cri plus lugubre qu’un râle,Car il se fait horreur sitôt qu’il est vendu.Le mensonge des corps est une flétrissure.Ô vendeuse d’amour aux rires décevants,Ta lèvre qui grimace eu tes baisers savantsN’est que de la chair à souillure.Les emblèmes joyeux que traînent les conscritsLeur disent : Nous allons vous couronner de gloire !Les malheureux s’en vont. — mais toujours après boire,Agiter leurs chapeaux en poussant de grands cris.Leurs chants ne durent pas : aux postes des casernesDes mots sont placardés qui menacent de mortEt chacun d’eux, courbé soue la loi du plus fort,S’affale le front bas, l’esprit creux, les yeux ternes,Les hommes sans vouloir sont des êtres sans nom.Ô soldat qu’a couché l’infamante maîtrise,Ton bras qu’un ordre bref agite ou paralyseN’est que du la chair à canon.Nos cœurs irradiés en un rêve puissantSe gonflent de douleur an su de leurs misères.Ces filles sont nos sieurs et ces soldats nos frères ;Leur chair est notre chair et leur sang notre sang.Leurs dégoûts répétés nous étreignent la gorge,Leur honte nous blêmit et nous grinçons les dentsDevant tous les goujats dont les doigts impudentsSerrent l’humanité clans un étau de forge.Nous voulons, ô soleil aux superbes rayons,Que tu n’éclaires plus dans l’humaine natureDes lèvres qui ne sont que des chairs à souillure.Des bras que des chairs a canons.
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Ce que nous voulons
Tachon, Paul
Texte de Paul Tachon (≤1893).
Paru aussi dans : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 7, suppl. litt. au nº 7 (28 oct. 1893)