« Les Jacques ! Les Jacques !
Voici venir les rouges Pâques ! [1] »
Les Blasphèmes (Jean Richepin).
Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?L’air si triste et tout abattu ?….Par de longues routes boueuses,À travers les bises rageusesMaigres corps à peine vêtu ;Jacque Bonhomme, où t’en vas-tu ?Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?Là par ce sentier tout tortu ?…Comme un brigand chacun t’évite ;Trouveras-tu ce soir un gite,Là-bas vers ce clocher pointu ?Jacque Bonhomme, où t’en vas-tu ?Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?Le sort t’a toujours combattu !Pauvre affamé, le ventre vide,Tu dévores farouche, avide,Le grain restant dans un fétu :Jacque Bonhomme, où t’en vas-tu ?Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?Hier, pauvre ouvrier têtu,Le patron t’a fermé l’usine ;Il n’entend pas, on s’imagine,Qu’un salaire soit débattu :Jacque Bonhomme, où t-’e n vas-tu ?Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?Le dos voûté, tout combattu,Trompant ta faim, cachant tes larmes,Tu te vois traqué des gendarmes,Tout comme un gibier rabattu !Jacque Bonhomme, où t’en vas-tu ?Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?Ou peut te saisir en vertuDes lois inscrites dans Je code :Pour quiconque sans foyer rôde,C’est la prison, sombre impromptu !Jacque Bonhomme, où t’en vas tu ?Bonhomme Jacque, où t’en vus tu ?Iras-tu comme un chien battu,Reprendre le collier du maitreDevant qui l’on doit se soumettre,Devant qui tout lâche s’est tu ?Jacque Bonhomme, où t’en vas-tu ?— Je m’en vais tout droit dans la haine,J’attends la révolte prochaineOù je frapperai les heureux,Comme les Jacques, mes aïeux !