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Le Sans-travail

Lécohier, J.


texte de J. Lécohier (≤1892).


« Les Jacques ! Les Jacques !
Voici venir les rouges Pâques !
 [1] »
Les Blasphèmes (Jean Richepin).

Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?
L’air si triste et tout abattu ?….
Par de longues routes boueuses,
À travers les bises rageuses
Maigres corps à peine vêtu ;
Jacque Bonhomme, où t’en vas-tu ?
 
Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?
Là par ce sentier tout tortu ?…
Comme un brigand chacun t’évite ;
Trouveras-tu ce soir un gite,
Là-bas vers ce clocher pointu ?
Jacque Bonhomme, où t’en vas-tu ?
 
Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?
Le sort t’a toujours combattu !
Pauvre affamé, le ventre vide,
Tu dévores farouche, avide,
Le grain restant dans un fétu :
Jacque Bonhomme, où t’en vas-tu ?
 
Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?
Hier, pauvre ouvrier têtu,
Le patron t’a fermé l’usine ;
Il n’entend pas, on s’imagine,
Qu’un salaire soit débattu :
Jacque Bonhomme, où t-’e n vas-tu ?
 
Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?
Le dos voûté, tout combattu,
Trompant ta faim, cachant tes larmes,
Tu te vois traqué des gendarmes,
Tout comme un gibier rabattu !
Jacque Bonhomme, où t’en vas-tu ?
 
Bonhomme Jacque, où t’en vas-tu ?
Ou peut te saisir en vertu
Des lois inscrites dans Je code :
Pour quiconque sans foyer rôde,
C’est la prison, sombre impromptu !
Jacque Bonhomme, où t’en vas tu ?
 
Bonhomme Jacque, où t’en vus tu ?
Iras-tu comme un chien battu,
Reprendre le collier du maitre
Devant qui l’on doit se soumettre,
Devant qui tout lâche s’est tu ?
 
Jacque Bonhomme, où t’en vas-tu ?
— Je m’en vais tout droit dans la haine,
J’attends la révolte prochaine
Où je frapperai les heureux,
Comme les Jacques, mes aïeux !

Paru d’abord dans Courrier de Fourmies (1878-1908).

Paru aussi dans : La Révolte : organe communiste-anarchiste. — Paris : 1887-1894. — Année 5, suppl. litt. au nº 27 (26 mars 1892)

Paru aussi dans : Le Cubilot (1906-1908), n° 5 (5-18 aout 1906)


[1Référence au texte « Les Jacques ».