À [Gustave] Flourens, assassiné.
Rencontrant la chaîne des bagnes,Le plus grand héros des Espagnes,Don Quichotte, accourt, lance au poing !Sancho voudrait n’en être point !L’argousin fuit ; le fou sublimeDes fers arrache une victime.« — Monsieur, disait Sancho Paça,»Laissez donc la chaîne au forçat !» — Ami Sancho, je fais mon œuvre,»Ce vieux forçat, c’est le manœuvre,»Outil dans sa rouille ébréché»Et d’un vil salaire emmanché.»L’argent, ce maître sans entrailles,»L’use, puis le jette aux ferrailles.» — Monsieur, disait Sancho Pança,» Laissez donc la chaîne au forçat !» — Sancho, je délivre et protège»Ce petit forçat du collège,»Nourri d’un savoir recraché»Par les pédants qui l’ont mâché.»Cet esprit dont ils font un cancre»N’est qu’un cahier barbouillé d’encre…» — Monsieur, disait Sancho Pança,»Laissez donc la chaîne au forçat !» — Sors aussi, forçat de caserne,»Ta cervelle est une giberne,»Ta conscience, un mousqueton ;»Tu n’es plus qu’un homme à piston.»Pour ce métier de cannibales»On vous fond dans un moule à balles…» — Monsieur, disait Sancho Pança,»Laissez donc la chaîne au forçat !»Et toi, forçat des sacristies,»Jette la soutane aux orties,»Le cloître a fait pousser en toi»Les moisissures de la Foi.»Rome lymphatique propage»Les scrofules du moyen âge……» — Monsieur, disait Sancho Pança,»Laissez donc la chaîne au forçat !» — Toi, surtout, femme infortunée,»Incomparable Dulcinée,»Qui gémit aux mains des géants»Et des enchanteurs mécréants,»Du cœur la loi rompt l’équilibre,»Il demande l’union libre.» — Monsieur, disait Sancho Pança,»Laissez donc la chaîne au forçat ! »O fleur de la chevalerie !Dis-je alors dans ma rêverie,Attaque ces géants de frontMalgré ton écuyer poltron.Car, jusqu’au jour où ton épéeAura clos la grande Épopée,« — Monsieur, dira Sancho Pança,»Laissez donc la chaîne au forçat ! »
Paris, 1869.