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La Grève des femmes

Pottier, Eugène


Texte d’Eugène Pottier (Paris, 1867).


À Édouard Hachin (Lice chansonnière)

Il surgit une autre Pucelle.
Insurgeant la femme, elle dit :
« Jusqu’à la paix universelle
 »Tenons l’amour en interdit.
 
 »A bas la guerre ! en grève ! en grève !
 »La femme doit briser le glaive.
 »Nargue à l’époux, nargue à l’amant !
 »Jusqu’au désarmement :
 »Les femmes sont en grève !
 
 »Coeurs dévoués, brunes ou blondes,
 »Que le sang versé révolta ;
 »O citoyennes des deux mondes,
 »Faisons notre grand coup d’État !
 
 »Puisque la guerre inassouvie
 »Entasse morts et mutilés,
 »Nous, sur les portes de la vie,
 »Dès ce soir posons les scellés !
 
 »Ce noble but, chastes coquettes,
 »Nous l’atteindrons les bras croisés !
 »En rayant le droit de conquêtes,
 »En rayant le droit aux baisers !
 
 »Monsieur, je suis votre servante,
 »Exercez-vous au chassepot !
 »Le lit conjugal est en vente
 »Pour cause de refus d’impôt.
 
 »Épouses, mères, que nous sommes,
 »Laissons ces héros maugréer.
 »Tous ceux qui massacrent les hommes
 »Ne sont pas dignes d’en créer.
 
 »Quoi, mettre au monde et, folle et fière,
 »Allaiter mes bébés joufflus,
 »Pour les jeter dans la carrière
 »Quand leurs aînés n’y seront plus ?
 
 »S’il faut recruter vos milices,
 »Fécondez tigresse ou guenon.
 »Nous ne sommes plus vos complices
 »Pour fournir la chair à canon.
 
 »Dieu de paix, bénis ce chômage,
 »Et, pour l’honneur des temps nouveaux,
 »Nous ferons l’homme à ton image
 »A la reprise des travaux.
 
 »A bas la guerre ! en grève ! en grève !
 »La femme doit briser le glaive.
 »Nargue à l’époux, nargue à l’amant !
 »Jusqu’au désarmement :
 »Les femmes sont en grève ! »

Paris, 1867.


Voir :
Pottier, Eugène. — Chants révolutionnaires. — Paris : Dentu, 1887.

Paru aussi in : Le Père Peinard, 3e série, nº 6 (19-26 février 1900).

Paru aussi in : Manfredonia, Gaetano. — Libres ! Toujours… : anthologie de la chanson et de la poésie anarchistes au XIXe siècle. — Lyon : Atelier de création libertaire, 2011 (p. 43).