Aux morts de la Muse rouge.
Israël, Doublier, déjà la Muse rougeA payé cher, hélas ! l’orgueil des êtres fous ;Quand le peuple épuisé rentrera dans son bouge,Combien auront subi le même sort que vous !Qui donc a retenu les chants de vos goguettes ?Qui donc a murmuré les vieux couplets défunts ?Qui donc au pilori destine les conquêtesDu crime universel voulu par quelques-uns ?Qui donc songe à bénir la paix des matins calmesEt les appels d’amour jetés à tous les vents ;Et, sous l’arbuste en fleurs berçant ses vertes palmes,Tout ce que pour mourir détruisent les vivants ?Un délire infernal s’est emparé des âmesOù la raison jadis brillait comme un flambeau,Et fermant au soleil leurs yeux remplis de flammes,Les amis du progrès marchent vers le tombeau.Dans le charnier commun, là-bas, vous disparûtesSans voir descendre en nous l’azur des grands sommets ;Et vos os blanchiront avec les os des brutes,Et vos cœurs fraternels ne battront plus jamais.En affrontant ainsi l’horreur de la bataille,Vous les champions fervents d’un idéal meilleur,Dans le pain noir des jours que le malheur nous tailleVous avez eu, tous deux, la part du travailleur.Adieu, bons chansonniers ! Les muses bien chagrinesVous donneront toujours les pleurs qui vous sont dus,Et votre souvenir vivra dans nos poitrinesAvec le désespoir de vous avoir perdus !