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Le Réveil syndical

Bailliez, Ferdinand


Texte de Ferdinand Bailliez (1903). Chanson de circonstance sur l’air « Le Deux décembre ».


1er couplet
Le Réveil est venu dans la classe ouvrière ;
Les ouvriers, enfin, ont compris leur devoir ;
Ils sont venus, nombreux, sous la noble bannière,
Écrasant sous leurs pieds l’homme du pays noir.
Déjà l’intelligence, en sortant des cervelles,
A démasqué les traîtres en y faisant jaillir
Une volonté tenace pour, contre les rebelles,
Y lutter jusqu’au bout sans y jamais faillir.
 
Refrain
Le Syndicat de la vraie prévoyance
Va faire ici un rapide progrès ;
Partout il passe et remplit d’espérance
Les ouvriers trop longtemps abusés (bis)
 
2e couplet
Lors de la dernière grève, enfoncés dans la boue,
Le Syndicat des Combes nous y laissait croupir ;
Partout nous avons vu, comme une branche qu’on secoue,
Tomber chaque mineur avec un grand soupir.
Les stocks des Compagnies attendaient une grève,
Afin de s’épuiser pour le mieux du patron ;
Les exploitants y virent réaliser leur rêve
Pendant que l’ouvrier suçait la prison.
 
3e couplet
Les Goudemetz, les Dacheville, traités comme des fantoches
Par les socialistes devenus bourgeois,
Ils vont être lavés de ces sanglants reproches ;
Leur dévouement pour tous n’a jamais eu de lois.
Aussi nos députés, drapés dans leur rancune,
Inondent le Réveil de leur venin bileux ;
Ils avaient espéré de décrocher la lune
Et la lune leur tombe tout en plein dans les yeux.
 
4e couplet
Partout nous sèmerons la meilleure semence ; Nous ne ferons pas revenir le passé,
Car nous vous offrons mieux, nous vous offrons l’aisance ;
Vous toucherez le fruit de votre argent versé.
Il ne servira pas à fournir des carrosses
À certains autocrates trop gorgés d’ambition ;
Dans les prochains conflits, pour vous et pour vos gosses,
Cet argent servira à manger la ration.
 
5e couplet
Dans toute chaque section, vous trouverez des armes ;
Prêt à marcher un jour dans un prochain combat,
Et le cœur oppressé, à la mine, plein de larmes,
Vous ne retournerez plus comme le plus vil forçat.
Non, pas un député dont l’article fait le zèle
Ne viendra empêcher, par ses airs fanfarons,
De vous laisser ouvrir votre propre escarcelle
Pour combattre par là l’égoïsme des patrons.
 
6e couplet
L’Ministère actuel, dans sa bonté féconde,
Vint nous noyer de troupes lors de la dernière grève,
Et, le mineur, saisi par un jugement immonde,
Est jeté en prison et tant pis s’il en crève ;
Et la grève terminée, les ministérialistes
Viennent faire le simulacre d’être nos bons papas ;
Ils demandent à la chambre le grâce des grévistes
Lorsqu’ils sont les complices des juges renégats.
 
7e couplet
Si l’ouvrier conscient pour simplifier sa tâche
Et rendre plus facile la victoire ouvrière,
S’il veut bien nous aider, sans tarder qu’il s’arrache
À l’influence néfaste de tout le Ministère.
On expulse les sœurs, on ferme les écoles,
C’est la chasse aux curés, et ces lâches combistes
Secouant le clergé arrière de ses corolles
Préfèrent à l’ouvrier tous les capitalistes.
 
refrain
Voilà comment on défend votre vie ;
Accourez tous au nouveau Syndicat ;
Réveillez-vous, pas de mélancolie,
Pour la victoire du grand prolétariat (bis).

Paru dans Le Réveil syndical (Lens & Hénin-Liétard), nº 2 (1903, 1er mai).

Chanson pas du tout anti-cléricale qui surprend dans le contexte syndicaliste révolutionnaire et anarcho-syndicaliste et souvent anti-clérical du journal. Dans le précédent — et 1er numéro — le titre était annoncé : « Au prochain numéro : Le Réveil syndical, chanson toute de circonstance, créée par notre jeune et dévoué poète-mineur : Ferdinand Baillez ».

Sur le puissant Vieux-Syndicat (réformiste) et le Jeune-Syndicat créé en 1903 (la Fédération syndicale des mineurs du Pas-de-Calais, syndicaliste-révolutionnaire, adhérente officielle à la Confédération Générale du Travail)), voir la bande dessinée Les Aventures épatantes et véridiques de Benoît Broutchoux par Phil Casoar et Stéphane Callens (Le Dernier terrain vague, 1979).

Émile Combes (1835-1921), président du Conseil des ministres et ministre de l’Intérieur (1902-1905) dit le « père Combes », artisan de la séparation de l’Église et de l’État en France en 1905. Le combisme et les combistes tiennent de son nom.

Ovide Goudemetz, ouvrier mineur, syndicaliste guesdiste puis anarchiste. Il s’exile aux États-Unis en 1904.

Joachim-Joseph Dacheville (1869-1931), ouvrier mineur, syndicaliste, socialiste.