1Enfants, les soldats sont des bêtes !Il ne faut pas les imiter.Ils étaient doux comme vous l’êtes ;Leurs maîtres ont su les capter.Abrutis par le jeu des armes,Parqués comme de jeunes veaux,Pour des histoires de drapeaux,Ils s’entretuent, pauvres cerveaux,En dépit des mères en larmes.Ce sont des bêtes les soldats !Bête est celui qui leur ressemble.Aussi, dans vos joyeux ébats,Enfants, quand vous jouez ensemble,Ne jouez jamais aux soldats !2Enfants, les soldats sont des brutesAvec fusils, sabres, canons,Tout le jour ce ne sont que luttes ;Le soir, que vadrouilles sans noms.En bons élèves de caserne,Ils jugent tout en malappris :Et la femme a tout leur mépris ;Causez-leur, ces pauvres espritsRaisonnent comme leur giberne.Ce sont des brutes, les soldats !Brute. est celui qui leur ressemble.Aussi, dans vos joyeux ébats,Enfants, quand vous jouez ensemble,Ne jouez jamais aux soldats !3Enfants, les soldats sont des lâches !La discipline, leur catin,A su faire de ces bravaches,Des valets n’ayant rien d’humain.Ils maltraitent les prolétairesEn grève et quand ces affamésSe dressent, las d’être opprimés,Ils tirent sur ces désarmés,Au risque de tuer leurs pères.Ce sont des lâches, les soldats !Lâche est celui qui leur ressemble.Aussi, dans vos joyeux ébats,Enfants quand vous jouez ensemble,Ne jouez jamais aux soldats !4Enfants, les soldats assassinent,Pillent, sèment partout la mort.C’est avec amour qu’ils chourinent,Quand ils se sentent les plus forts.Prétextant pour leurs brigandagesLa « Patrie » ou le « Dieu puissant, »Dans leur délire avilissant,Ces monstres réclament du sangEt se repaissent de carnages.Ce sont des brigands, les soldatsVous n’avez rien qui leur ressemble.Aussi, dans vos joyeux ébats,Enfants, quand vous jouerez ensembleVous ne jouerez plus aux soldats !
Enfants ne jouez jamais aux soldats
Tiré de : Les Chants du peuple. Série nouvelle ; nº 1. — Paris : Temps nouveaux, [ca 1902]. — N.p.